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L’ébranlement et le silence

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A  propos de « Motus » de Dominique Loreau

Motus signifie en latin mouvement, secousse, émotion, ébranlement, et en français, silence. Chacun de ces mots épouse le texte et la quête de Dominique Loreau. Avec cette cadence poétique si particulière qui allie force et finesse, l’autrice part à la recherche du père disparu. Max Loreau (1928-1990), professeur à l’ULB, est un philosophe qui s’inscrit dans l’école de la phénoménologie. Il publie aussi de nombreux ouvrages sur la peinture (Michaux, Dubuffet, Dotremont) après avoir été un passionné de photographie, une attraction vertigineuse pour l’image qu’il transmet à sa fille, écrivaine et cinéaste.

Un jour — le même — Max Loreau abandonne la photographie et le domicile familial. Dominique ne pourra se réconcilier avec lui avant qu’il ne meure d’un cancer. Elle veut combler cette double disparition par une poésie qui interroge, interpelle, reconstruit une relation vitale qui mêle la revendication, l’espoir, la supplique, la culpabilité.

« Le salaud il est parti sans me dire adieu (…) et je ne l’ai pas sauvé »

 

Mais un autre chemin — celui de l’écriture — se creuse au-delà du deuil et de la réconciliation posthume. Il s’agit d’explorer les pistes inconnues, ébauchées ou délaissées par le père.

« Je n’ai pas pu le rejoindre

je serai une de ses virtualités

je ferai ce qu’il n’a pas fait

J’explorerai ce qu’il n’a pas exploré

J’éprouverai ce qu’il n’a pas éprouvé

J’irai là où il n’a pas été

J’irai là où il n’a jamais osé aller

Et il ira avec moi »

Longtemps, Max Loreau pratique intensément la photographie.  « Il saisit tout » écrit sa fille — mais il l’abandonne pour les peintres. « Les photos mentent » dit Dominique et pourtant avec la découverte de nouvelles photos du père, elle ajoute :

« Et j’ai la désagréable impression de tenir

dans mes mains

le résumé de sa vie entière »

Ambiguïté de l’image qui hésite entre l’absence et la présence. Dominique Loreau choisira, elle, le cinéma.

Évoquant un tournage, la réalisatrice écrit :

« Filmer parfois est une chasse », mais elle ajoute :

« Cette fois filmer fut un acte d’amour et de fusion

Un geste d’une extrême sensualité

Et peut-être aussi une forme de rêve insensé »

Et peut-être aussi, est-ce ainsi qu’il faut parler de l’écriture de la poétesse et de la cinéaste.

 

Motus, Dominique Loreau, Alentours, Éditions Tandem, Gerpinnes, 2019.