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Les deux facettes de la laïcité

Depuis 1993, la Constitution belge reconnaît le mouvement laïque. Pour les défenseurs de cette nouvelle communauté, ce moment historique n’est qu’une étape. La traversée du désert fut longue et aujourd’hui le travail ne manque toujours pas.

La langue française utilise le même vocable «laïcité» pour définir deux conceptions assurément complémentaires mais néanmoins distinctes : la laïcité politique et la laïcité philosophique.La laïcité politique, ou laïcité institutionnelle, est cette exigence démocratique aussi appelée « séparation des Églises et de l’État ». Celle-ci implique l’impartialité des pouvoirs publics à l’égard des conceptions philosophiques confessionnelles ou non confessionnelles auxquelles l’État doit un respect identique dans la mesure, bien sûr, où ces conceptions sont elles-mêmes compatibles avec les principes démocratiques et les libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution et les conventions internationales. La laïcité de l’État suppose la neutralité de l’État et l’indifférence des pouvoirs publics à l’égard de l’appartenance ou de la non-appartenance des citoyens à tel culte ou à telle conception philosophique. Dans un État laïque, qu’on soit croyant ou incroyant, qu’on soit catholique, musulman, protestant, israélite, adventiste du septième jour, bouddhiste, agnostique ou athée, on est citoyen, un point c’est tout ! Et la croyance, l’incroyance, l’adhésion à tel ou tel culte ou la dissidence ne peuvent donner lieu à aucun avantage ni à aucune sanction, tous jouissant des mêmes droits et tous étant soumis aux mêmes devoirs. Dans un État laïque, les pouvoirs publics n’ont d’ailleurs pas à savoir qui pense quoi sur ces questions relevant de la sphère privée des personnes. Sans préjudice bien entendu de la liberté d’expression qui autorise quiconque à manifester publiquement ses croyances, incroyances ou convictions et à débattre librement des convictions des autres dans les seules limites légitimement assignées par la loi à ces libertés. La laïcité n’est cependant pas uniquement une exigence politique indissociable de la démocratie et des droits de l’Homme. La laïcité entendue comme conception de vie (la laïcité quelquefois dite « philosophique ») est une conception fondée sur des valeurs de libre examen, d’émancipation, de citoyenneté et de justice, qui ne sont pas la chasse gardée des « mécréants », mais auxquelles les laïques (dans le sens non confessionnel) reconnaissent un seul fondement pertinent : l’humanisme. La « laïcité philosophique » est donc une conception de vie (un idéal de vie ou une approche de la morale) fondée sur des valeurs positives dégagées, « délivrées » de toute référence surnaturelle, religieuse ou magique. Dans un État laïque, la laïcité philosophique est une conception parmi d’autres qui doit être traitée avec la même considération, ni plus ni moins, que les conceptions confessionnelles compatibles avec les libertés publiques et les droits fondamentaux. En Belgique, la laïcisation de l’État (entendez les réformes pour instituer une impartialité confessionnelle dans l’État) fut une longue marche constituée d’avancées successives à petits pas sans grande réforme spectaculaire. Par ailleurs la reconnaissance de la laïcité philosophique (entendez la prise en compte d’une communauté philosophique non confessionnelle, d’agnostiques et d’athées attachés à une conception de vie, à une morale et une éthique débarrassées de références surnaturelles ou religieuses) a pu naturellement s’inscrire dans le cadre de la reconnaissance des autres communautés (confessionnelles celles-là).

La colonisation intérieure

Comprendre la problématique de l’impartialité (relative) de l’État belge en matière de convictions religieuses ou philosophiques implique bien entendu quelques références à l’histoire de ce pays. 1830. La Belgique conquiert son indépendance du Royaume des Pays-Bas grâce à la victoire de l’unionisme ; à savoir l’alliance entre les catholiques doctrinaires, excédés d’être gouvernés par un roi protestant, et les libéraux, excédés de l’interventionnisme économique du gouvernement du Roi Guillaume. Cette union victorieuse aboutit à la rédaction de la Constitution belge qui n’est autre qu’un compromis entre les deux courants la composant. La Constitution de 1831 assure à l’Église catholique « la liberté » de l’enseignement, entendez qu’elle confirme son monopole de fait sur l’enseignement, et maintien la prise en charge des traitements et des pensions des ministres du culte. À cet égard, la Constitution belge offre à l’Église des avantages semblables à ceux que lui reconnaissait le Concordat, sauf que ces avantages sont étendus aux autres cultes, ce qui prive le culte catholique d’un statut de religion d’État, tout en lui réservant en fait une position privilégiée qui prendra bientôt la forme d’un colonialisme intérieur. Le courant libéral obtient sa part que la Constitution de 1831 comporte un titre II (« Des Belges et de leurs droits ») particulièrement progressiste puisqu’il comprend un énoncé des libertés fondamentales : liberté d’association, liberté de réunion, liberté de presse, prohibition de la censure, inviolabilité du domicile, inviolabilité de la correspondance, qui fera bientôt hurler de colère le Pape Gégoire XVI qui les dénoncera dès l’année suivante dans l’encyclique Mirari Vos : « la liberté de la presse, liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur et que certains hommes osent avec tant de bruit et tant d’insistance (…) ». L’unionisme des catholiques et des libéraux fera long feu. La volonté des libéraux de supprimer l’enseignement obligatoire de la religion dans les écoles publiques et de créer une école publique primaire dans chaque commune déclencheront la première « guerre scolaire ». Celle-ci se soldera par des élections générales et une majorité absolue au parti catholique qui assurera sans partage le pouvoir jusqu’en 1914, renforçant à tous les niveaux ce qu’il n’est pas exagéré de qualifier de colonisation intérieure de la Belgique par l’Église catholique. À l’encadrement des hommes, des femmes et des enfants, du berceau au tombeau par les œuvres catholiques, la réaction des libéraux puis du Parti ouvrier belge (POB), soucieux d’offrir en matière d’enseignement et en matière sociale et culturelle des structures publiques ou associatives alternatives au système catholique, contribua à « pilariser » la société belge. À l’école catholique répond l’école officielle, aux hôpitaux catholiques, les hôpitaux laïques, à la mutuelle catholique, les mutuelles libérales et socialistes…

Déconfessionnalisation des partis laïques

En 1961, Omer Vanaudenhove transforme l’historique Parti libéral en Parti de la liberté et du progrès (PLP) qui marque explicitement une ouverture aux chrétiens qui se reconnaissent dans le programme économique de ce nouveau parti. Quelques années plus tard, en 1969, le président du Parti socialiste, Léo Collard, lancera son fameux appel au rassemblement des progressistes. La volonté du PLP de «mordre» sur une partie de l’électorat chrétien et l’ambition corrélative des socialistes de grignoter une autre partie de l’électorat du Parti social chrétien constituèrent ce qu’on appela (assez paradoxalement!) la «déconfessionnalisation» des partis laïques. En 1958, la conclusion du Pacte scolaire, qui consacrait le devoir de l’État de dispenser un enseignement de nature à assurer le libre choix (entendez : briser le monopole de fait de l’enseignement catholique dans de nombreuses régions) et la prise en charge par l’État des rémunérations des enseignants et des frais de fonctionnement de l’école privée catholique, ainsi que l’organisation généralisée de cours de religions minoritaires et de morale laïque, à côté des cours de religion catholique dans les écoles officielles, permettait aux partis libéral et socialiste de donner la priorité aux enjeux économiques et sociaux…

De la structuration du mouvement…

C’est dans ce contexte de relatif «désengagement» des partis traditionnellement laïques (Parti libéral et Parti socialiste) que le mouvement laïque s’est progressivement structuré, indépendamment des partis, autour de projets concrets de manière volontaire et pas toujours coordonnée. Bien sûr, la constitution d’un réseau associatif laïque n’a pas commencé dans les années soixante. Il y eut des initiatives très significatives dès le XIXe siècle et au début du XXe siècle. Ainsi, il y eut les associations de libre pensée (l’Affranchissement, les Solidaires…), dans un premier temps rassemblées autour de la revendication de funérailles civiles, puisque si, en théorie, les enterrements civils étaient autorisés, ils se heurtaient en pratique à de graves difficultés parce que les autorités religieuses avaient le monopole du matériel utilisé lors des inhumations et en contrôlaient strictement l’emploi. Dans les cimetières, tous ceux qui mouraient en dehors de l’Église, les enfants non baptisés compris, étaient relégués dans le «trou au chien», le «coin des réprouvés». Cette situation perdurera d’ailleurs jusqu’à la Première Guerre mondiale. En 1834, la création de l’ULB ne peut être passée sous silence. Elle se révèlera un formidable outil pour l’affirmation de la laïcité en Belgique. Au XIXe siècle se constitua également la Ligue de l’enseignement (1864). Mais on observera fin des années cinquante, et surtout au cours des vingt années suivantes, une nette accélération de l’activité associative non confessionnelle. En 1955 sera constituée La Pensée et les Hommes qui prendra en charge à l’INR, puis à la RTB et la RTBF, les émissions de philosophie et de morale laïques. La Fondation pour l’aide morale aux détenus sera fondée en 1964 pour offrir une assistance morale non confessionnelle aux détenus qui jusque-là ne pouvaient avoir accès qu’aux services des aumôniers. Les années soixante verront aussi la naissance des associations de promotion du cours de morale laïque et de la Fédération des amis de la morale laïque (1969). D’autres associations verront le jour comme la Ligue humaniste, Pensée et humanisme laïque et le Centre d’action laïque qui sera la tentative réussie de structuration du mouvement. Depuis lors, furent créés d’autres associations et services non confessionnels dans les domaines les plus divers : planning familial, éducation permanente, coopération au développement, assistance morale, audiovisuel, éthique, insertion sociale, etc R. Hamaide, «L’affirmation de la laïcité en Belgique» dans Histoire de la laïcité en Belgique, Bruxelles, Éditions Espace de Libertés, 1994, pp. 257-275.

…et de son identité

Ces associations constituées sur une base volontaire par des bénévoles motivés par les valeurs laïques et désireux de les concrétiser dans certaines actions requérant à leurs yeux une urgence particulière, ont joué un rôle essentiel dans l’évolution de nombreuses questions de société: l’école, la contraception, l’avortement, l’euthanasie, la liberté d’expression. De manière concrète, la double perspective de la laïcité ébauchée au début de cet article est plus précisément définie à l’article 4 des statuts du Centre d’action laïque voir le site du mouvement laïque: http://www.laicite.be : D’une part: «La volonté de construire une société juste, progressiste et fraternelle, dotée d’institutions publiques impartiales, garantes de la dignité de la personne et des droits humains assurant à chacun la liberté de pensée et d’expression, ainsi que l’égalité de tous devant la loi sans distinction de sexe, d’origine, de culture ou de conviction et considérant que les options confessionnelles ou non confessionnelles relèvent exclusivement de la sphère privée des personnes.» Et d’autre part: «L’élaboration personnelle d’une conception de vie qui se fonde sur l’expérience humaine, à l’exclusion de toute référence confessionnelle, dogmatique ou surnaturelle, qui implique l’adhésion aux valeurs du libre examen, d’émancipation à l’égard de toute forme de conditionnement et aux impératifs de citoyenneté et de justice.» Les associations qui se sont fédérées au sein du Centre d’action laïque pour la Belgique francophone et au sein de l’Unie vrijzinnige verenigingen pour la Belgique néerlandophone, sont constituées pour l’essentiel d’humanistes agnostiques ou athées qui, sans pour autant rejeter leurs racines judéo-chétiennes ou musulmanes, n’adhèrent plus à une transcendance verticale, rejettent le mythe d’un dieu sauveur et ne prêtent plus crédit aux pontifes des diverses religions. Aussi notera-t-on que concrètement les actions de ces associations concourent systématiquement à la volonté de construire une société plus impartiale et meilleure garante des droits humains. Les combats de ces associations n’ont jamais eu pour objet d’arracher aux pouvoirs publics des privilèges. Mais plutôt d’étendre, aux croyants ou incroyants, catholiques ou athées, musulmans, israélites ou agnostiques, une contraception efficace, un accès à l’interruption volontaire de grossesse ou à une mort digne dans les conditions définies par la loi ou encore l’accès à un enseignement public dégagé d’ingérences missionnaires, sans que la législation soit encore bridée par des interdits dogmatiques ou des tabous religieux. Tous ces combats sont faits au bénéfice de tous. Et c’est manifestement le premier axe de la définition de la laïcité qui en fut le moteur. Le deuxième axe de cette même définition n’est pourtant pas moins important, puisque c’est cet axe qui a permis au mouvement laïque de revendiquer et, progressivement, d’obtenir des pouvoirs publics la reconnaissance de ce fait social évident : une société moderne ne se résume pas à la conjonction d’hommes et de femmes définis par leur appartenance religieuse. Quel serait en effet le sens de l’impartialité de l’État et des pouvoirs publics si une fois ce principe admis, le débat démocratique et citoyen était accaparé par les seuls tenant d’une pensée religieuse ? D’une part, il y a des hommes et des femmes, de plus en plus nombreux, qui se réfèrent à des valeurs et à des engagements moraux non confessionnels. D’autre part, toutes les controverses que provoquent les questions de société traversent les différentes communautés de sorte qu’il est totalement réducteur et inadmissible de tenir le discours d’une autorité religieuse comme représentatif de la pensée de celles et ceux qui se reconnaissent pourtant dans la confession considérée.

La longue marche pour l’égalité

Il serait fastidieux de dresser ici la liste de toutes les manifestations de la méconnaissance, du mépris ou de l’ostracisme dont pâtissaient les agnostiques et les athées de ce pays jusqu’à un passé encore assez récent. Un siècle et demi de luttes a pourtant permis de conquérir l’accès dans tout le royaume à un enseignement public non confessionnel : la dispense de suivre obligatoirement l’enseignement de la religion catholique à l’école publique, la possibilité de recourir à une inhumation civile ou à une incinération, la suppression de l’invocation de la divinité dans le serment en justice, la disparition progressive (et non encore totale) des crucifix des écoles publiques, des tribunaux, des salles de mariage et autres lieux publics, l’accès à une assistance morale laïque dans les hôpitaux, dans les prisons ou à l’armée, la possibilité d’opter pour un enseignement de la morale non confessionnelle en lieu et place de l’enseignement de la religion à l’école publique ou enfin le désengagement (très récent et très partiel) des autorités publiques de l’organisation de Te Deum… Mais surtout bien sûr une réponse pluraliste aux grands débats de société de ces dernières décennies : contraception, avortement, statut de l’enfant né hors mariage, divorce-remède, euthanasie, mariage homosexuel, protection des minorités. À cet égard, c’est bien sûr la conjonction des engagements progressistes de bords différents qui ont rendu possibles ces avancées. Il serait faux et stupide d’en attribuer le mérite à la seule communauté laïque, mais ne pas apercevoir le rôle qu’elle a joué dans l’évolution des consciences, bien au-delà de sa « base sociologique », serait profondément erroné. La stratégie suivie depuis près d’un demi-siècle par le mouvement laïque en Belgique fut de passer au peigne fin, de manière de plus en plus systématique, la légalisation et la réglementation dans les matières les plus diverses afin de pointer les multiples dispositions qui introduisent le religieux dans la loi, pour réclamer l’abrogation de ces références ou la modification de la règle pour la rendre conforme aux principes d’ouverture et de pluralisme.

Deux manières d’atteindre le pluralisme

La première manière consisterait à supprimer toute référence confessionnelle ou non confessionnelle. Adaptée à l’enseignement de la morale, cette pratique conduirait à remplacer à l’école tous les cours de religion, ainsi que le cours de morale non confessionnelle, par un cours d’initiation à la philosophie, à la citoyenneté et un cours d’histoire des grandes traditions qui ont fait l’humanité depuis l’antiquité jusqu’à nos jours en passant par les Lumières… Idée émise notamment par Hervé Hasquin, ministre-président du gouvernement de la Communauté française, en juin 2000 Ce serait la solution idéale pour autant qu’elle puisse être totalement généralisée et que le pluralisme philosophique soit, au même titre que la mixité des sexes, une exigence de tout enseignement subventionné public ou privé. Tant qu’il sera licite de conférer à des établissements subventionnés par les pouvoirs publics une mission d’évangélisation ou d’islamisation, une telle réforme ne ferait hélas que renforcer les réseaux ghettos… Et la coexistence d’un cours de morale laïque et de cours de religion dans les écoles publiques ouvertes, par définition à tous, reste la moins mauvaise des formules Voir les textes de la conférence de presse du 14 juin 2001 organisée par le comité pour la promotion des cours de morale et de religions, consultables sur le site précité. Mais la suppression de toute référence confessionnelle ou non confessionnelle n’est à la fois pas très réaliste, ni même très souhaitable. Qui prétendrait sérieusement que la suppression des aumôneries dans les prisons, à l’armée et dans les hôpitaux, constituerait une avancée sociale? La question n’est pas tant de supprimer ces services d’assistance morale que de veiller à ce que les moyens conférés par les pouvoirs publics soient proportionnés et équitablement répartis. Qui prétendrait aussi sérieusement que l’État suspende immédiatement toute aide et tout subside aux cultes à l’égard desquels une partie de la population voue (que cela plaise ou non) importance et crédit? Qui prétendrait sérieusement au réalisme voire à la légitimité d’un tel changement de cap? La laïcité de l’État, c’est l’impartialité. L’impartialité peut être atteinte quand l’État ne donne rien à personne. À défaut, l’impartialité implique la justice distributive, c’est-à-dire la re-connaissance de toutes communautés philosophiques confessionnelles et non confessionnelles sur base de critères clairs et objectifs et la répartition des deniers publics entre les communautés reconnues sur base de critères également objectifs. La stratégie du mouvement laïque a abouti à l’adaptation de l’article 181 de la Constitution («les traitements et pensions des ministres du culte sont à charge de l’État»), jusqu’alors réservé aux cultes mais pas aux communautés philosophiques non confessionnelles. Depuis la réforme de 1993, la Constitution est ainsi complétée: «Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à charge de l’État; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget de l’État». La loi du 21 juin 2002 Moniteur belge du 22 octobre 2002 donne application à ce principe constitutionnel et permet concrètement à une centaine de délégués laïques francophones (les moyens sont identiques en Flandre) répartis sur une dizaine de centres en Wallonie et à Bruxelles, de contribuer sur le terrain à des services laïques d’assistance morale, d’orientation sociale (vers des services publics appropriés), de réinsertion, d’écoute, de stimulation, d’animation et de coordination. La réforme constitutionnelle de 1993 et la loi de 2002 ne constituent bien sûr que des étapes. Les revendications du CAL et de l’UVV, désormais inclus dans le système de subventionnement public des communautés philosophiques confessionnelles et non confessionnelles, portent dès à présent sur une réforme en profondeur de ce système en vue de répartir les moyens publics entre les diverses communautés en toute transparence et suivant des critères objectifs, ce qui est loin d’être actuellement le cas.

Le ver est dans le fruit

Un autre paradoxe de la «re-connaissance de la laïcité» (entendez: reconnaissance de la communauté philosophique non confessionnelle et attribution à celle-ci de moyens publics consécutifs de cette reconnaissance) est que, partenaires désormais incontournables du débat sur les pouvoirs publics — communautés confessionnelles ou non confessionnelles –, le CAL et l’UVV ne cessent de rappeler avec force aux pouvoirs publics que la laïcité de l’État exige que celui-ci laisse une plus grande place à l’espace public. Un espace public qui serait dénué de toute «affectation» confessionnelle ou idéologique et qui serait attribué aux communautés (confessionnelles ou non confessionnelles) de manière équitable et sur base de critères objectifs. Force est de constater que la «reconnaissance de la laïcité», qui constitue la plus spectaculaire avancée de la laïcité belge, entendue comme conception athée ou agnostique de la vie, de l’éthique et de la morale (deuxième axe de la définition de l’article 4 des statuts du CAL), fut depuis sa mise en œuvre progressive (le processus a démarré en 1980 par la mise en place d’un statut provisoire) un prodigieux levier pour la laïcisation de la Belgique, soit la première partie de cette définition, celle qui touche à la laïcité politique et en fin de compte à la démocratie.