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L’imposture intellectuelle

Le 30 juin 2004, la Cour d’appel de Paris statuera sur la demande d’extradition de Cesare Battisti, l’ancien terroriste italien. Si il y a toutes les raisons de s’opposer à cette extradition, il est nécessaire de revenir sur le débat qui a entouré cette affaire. Pour défendre Battisti, beaucoup d’intellectuels français ont occulté ou travesti la réalité historique des «années de plomb» en Italie. À gauche, la question de ce terrorisme reste empreinte de méconnaissance ou, pire, de complaisance.

Ce n’est pas une précaution oratoire. Il ne faut pas extrader de France vers l’Italie, Cesare Battisti, l’ancien terroriste des «Prolétaires armés pour le communisme», condamné en 1988 et 1993 par la justice italienne pour quatre homicides.
Pour des raisons de principe: Battisti, aujourd’hui écrivain de romans noirs, bénéficiait, comme des dizaines d’autres ex-terroristes italiens de ce qu’on appelait la «doctrine Mitterrand». C’est-à-dire de l’asile à condition d’avoir rompu avec leur vie et activités passées et d’avoir renoncé à la violence. Pour des raisons juridiques solides (même si elles pouvaient être discutées): une demande d’extradition à propos de la même affaire avait déjà été rejetée par la Cour d’appel de Paris en 1991. Il n’y avait donc pas lieu de revenir sur l’autorité de la chose jugée.
Et puis surtout pour une raison évidente: quel sens donné à un emprisonnement trente ans après les faits? De même, il faut libérer Nathalie Ménigon et les autres condamnés d’Action directe [1. Ancienne organisation terroriste française appartenant à l’ultra-gauche, active durant les années septante et quatre-vingt.]. Isolée et réduite à une poignée d’individus, elle ne jouira jamais des soutiens dont a pu bénéficier, au moins un temps, le terrorisme italien.
Actifs durant les décennies septante et quatre-vingt, une première fois emprisonnés pour des attentats matériels, les membres d’AD seront amnistiés par François Mitterrand en 1981. Les militants assassineront ensuite le Général Audran et le PDG de Renault, Georges Besse. Ils seront arrêtés en 1987 et condamnés à perpétuité avec des peines de sûreté de dix-huit ans qui ont déjà passé dix-sept ans en prison et qui sont aujourd’hui dans des états de santé lamentables (cancers, maladies cardio-vasculaires ou troubles psychologiques profonds). Alors que l’ancien préfet vichyste Maurice Papon, tout comme l’ancien dirigeant d’Elf, Loïc Le Floch-Prigent ont été, eux, libérés en vertu de la loi Kouchner qui prévoit une suspension de peine pour les détenus gravement malades.
Le maintien en prison des ex-terroristes français prend l’allure d’un acharnement judiciaire. De même que l’emprisonnement durant dix-sept années également de Pierre Carrette ainsi que la très longue incarcération de ses camarades des Cellules communistes combattantes (CCC) ressemblait davantage à une revanche étatique qu’à une mesure de justice.
Que les anciens terroristes dont certains ont du sang sur les mains n’aient pas été capables ou ont tout simplement refusé de «faire les comptes avec l’histoire» ou qu’ils aient trouvé comme seul instrument de survie psychologique le credo obstiné et obsessionnel d’une ligne politique criminelle ne plaide pas pour leur lucidité (ni parfois pour leur courage intellectuel) mais ceci est une autre histoire. Ceux qui ont passé près de 20 ans en prison ont payé leur dette à la société. Et quel est le sens d’y envoyer aujourd’hui ceux qui y ont échappé par un exil le plus souvent précaire et difficile. Même si cette dernière question est plus du ressort de ceux qui ont vécu les évènements que de l’observateur extérieur.
À propos de l’affaire Battisti et de la période des «années de plomb» De la fin des années soixante jusqu’aux années quatre-vingt, l’Italie à connu des vagues d’attentats sans précédents. L’extrême droite et des services secrets occidentaux avec des complicités étatiques mettent en œuvre la «stratégie de la tension» qui vise à déstabiliser la République. Les attentats aveugles font des dizaines de victimes à Milan, Brescia ou Bologne. Le terrorisme de l’ultra-gauche (sous ses différentes variantes) n’est pas en reste. Au nom de la lutte contre l’État capitaliste et contre le réformisme sous toutes ses formes, l’extrême gauche est responsable de la mort de 128 personnes , le magistrat italien Edmondo Bruti Liberati [2.Substitut du procureur général près de la Cour d’appel de Milan, président de l’Association nationale italienne des magistrats, signataire de l’appel de Genève, E. Bruti Liberati a publié un texte sur le «Droit d’asile et espace judiciaire européen» dans Le Monde du 27 mars 2004.] a justement posé cette question: «est-il juste d’exécuter une peine à tant d’années de distance des faits, s’agissant de personnes qui ont désormais changé? Ne devrait-on pas oublier, tourner la page? (…) C’est un problème crucial, répond lui-même le magistrat, pour lequel l’Afrique du Sud, avec la commission de réconciliation, a offert un modèle courageux; cela présuppose que chacun accepte d’affronter les faits et contribue à dire ce qui s’est exactement passé. Mais la décision sur la question “comment tourner la page” ne peut être confiée qu’à la communauté nationale qui a connu l’épreuve de la violence, des deuils et des tragédies qui en ont découlé».

L’affaire Battisti a entraîné une abondance de commentaires, de prises de position et de polémiques en France et en Italie dont la presse belge s’est fait elle aussi l’écho [3.D’une manière parfois curieuse, comme Le Soir qui publie, le 10 mars, une « carte blanche » de Cesare Battisti sans la moindre contextualisation et encore moins de distance après avoir déjà publié, le 25 février, dans les mêmes conditions, une autre carte blanche de son ami écrivain Valerio Evangelisti qui affirme dans la préface d’un roman de Battisti avoir « vécu dans un univers parallèle au sien ».]. Le contexte international et l’importance de la question du terrorisme y ont contribué dans des sens divers. Même si le terrorisme des années septante en Italie n’a pas de rapport avec celui qui frappe le monde contemporain, il est utile de l’analyser si l’on veut tenter d’appréhender la question globale du terrorisme comme stratégie politique et comme mode de combat [4.Sur ce sujet, voir également, dans le numéro 33 de février 2004 de Politique, ma contribution: « Terrorisme et résistance: confusion et complaisance« .].

Amnésie, confusion et complaisance

L’«affaire Battisti» pose beaucoup de questions à plusieurs niveaux:
– Sur la manière dont Cesare Battisti défend sa propre cause et évoque – ou justifie – son passé terroriste;
– Sur les réactions d’une grande partie du milieu intellectuel et de la gauche française qui font preuve d’une non-connaissance péremptoire de cette période et de ses suites en Italie quand il ne s’agit pas d’une étrange complaisance pour ceux qui en furent les acteurs;
– Sur le jugement global que l’on peut poser sur ces «années de plomb» qui reste à la fois un chapitre non clos – et douloureux – de l’histoire italienne et source de confusion sinon de méconnaissance profonde hors de la péninsule.

La culpabilité de Cesare Battisti importe peu dans l’affaire de l’extradition mais qu’on le veuille ou non, elle devient source de polémiques politiques par les explications mêmes de Battisti et de ses défenseurs. Battisti faisait partie des «Prolétaires armés pour le communisme», un groupe à l’identité idéologique peu formée, se situant à la lisière de la délinquance commune spécialisé dans les braquages et les «expropriations prolétariennes» et dénonçant particulièrement le sort des détenus. Dans le cadre de leur «luttes prolétariennes», en 1978 et 1979, les PAC ont abattu des petits commerçants coupables d’avoir pratiqué l’autodéfense (et d’avoir tué l’un de leurs assaillants), un policier et un gardien de prison. Battisti a été condamné par contumace (il était en fuite) pour sa responsabilité directe dans ces quatre homicides. Responsabilité matérielle pour deux d’entre eux: c’est lui qui a tué, selon la justice, qui s’est basée sur les déclarations d’un «repenti» et sur des témoins visuels; responsabilité organisationnelle pour deux autres. Le procureur adjoint de Milan, Armando Spataro Armando Spataro[5. Armando Spataro est par ailleurs secrétaire général du «Movimento per la Giustizia» fondé par le juge Giovanni Falcone, victime de sa lutte intransigeante contre la Mafia.] (une de ces «toges rouges» [6.L’extrême gauche italienne entretient la plus grande confusion sur ce chapitre. Dans un récent article (Le Monde des 14 et 15 mars 2004) l’écrivain italien Claudio Magris rappelle ceci: «J’ignore combien de Français savent que Toni Negri, leader d’Autonomia operaia (NDLR et aujourd’hui dirigeant prétendant de l’alermondialisme) et condamné par un tribunal italien pour participation à bande armée, a exprimé, dans une déclaration publiée par le quotidien italien Il Corriere della Sera le 5 mai 2003, sa solidarité avec Silvio Berlusconi pour les accusations que lui a notifiées la magistrature italienne, ces juges que Berlusconi accuse d’être de méchants communistes, des factieux de gauche. Selon Toni Negri, ajoute Magris, il y a une continuité voulue et planifiée entre les persécutions infligées par la magistrature italienne aux terroristes durant les années de plomb (…) et les persécutions infligées maintenant à Berlusconi, que Negri considère comme “une victime de la justice bourgeoise”.»] aujourd’hui vilipendé par Berlusconi) qui soutenait l’accusation au procès, estime dans ses différentes déclarations à la presse [7.Voir notamment Le Nouvel Observateur du 18 mars 2004, Le Point du 15 mars 2003, et Le Soir du 7 avril 2004.] que «la culpabilité de Battisti repose sur des preuves» et que le procès s’est déroulé dans le respect absolu du droit de l’accusé qui, en fuite, a pu choisir son avocat. Battisti lui nie toute culpabilité.

Mais, le 9 mars dernier, quand on lui pose directement la question sur le Forum internet du Nouvel Observateur, «Avez-vous oui ou non du sang sur les mains?», Battisti répond: «Dans une guerre, qui est le plus coupable: la troupe ou ceux qui donnent les ordres? Faut-il demander au soldat s’il a tiré ou pas?».

Dans ses romans noirs [8.Notamment Les habits d’ombre, L’Ombre rouge, Buena Onda, tous trois dans la collection «Série noire» chez Gallimard et Dernières Cartouches (Rivages/noir).], l’ex-membre des PAC est pour le moins complaisant avec son propre passé qui hante et alimente ses écrits. Et il se défausse encore quand il écrit que «le conflit social de cette période (NDLR:celle du terrorisme des années septante et quatre-vingt en Italie) fut à l’origine d’une procédure d’urgence ponctuée de nombreux procès de nature forcément exceptionnelle. Au regard de cette situation qui avait suscité un engagement collectif, comment est-il possible de dégager des responsabilités et des vérités individuelles?»[9.Le Monde du 2 avril 2004.] Dans ces propos, on perçoit comme une incapacité ou un refus absolu de procéder à une analyse critique de son propre engagement terroriste quand il ne s’agit pas tout simplement de le justifier.

Oreste Scalzone, compagnon d’exil, philosophe et ancien dirigeant de «Potere Operaio», groupe d’extrême gauche, nettement plus marqué idéologiquement, confirme quand il écrit à propos de cette période et du rôle de Battisti qu’il faut «affirmer une responsabilité commune. Ce qui s’est passé fut une mutinerie jaillissante (sic), continuellement recommencée: il est donc ridicule de vouloir découper et isoler des positions individuelles» [10.L’Humanité du 5 mars 2004.]. Le fondateur de «Prima Linea», groupe terroriste rival des «Brigades rouges», Sergio Segio, qui a été condamné à trente ans de prison dont il a effectué la plus grande part, assume un tout autre point de vue. Segio a été un «dissocié»: il a fait le bilan critique de ces années. Contrairement aux «repentis», les «dissociés» n’ont pas collaboré avec la police mais ils ont condamné le terrorisme. Ce qui, sous la plume de l’écrivain Battisti, revient «à délégitimer toute forme d’opposition radicale»[11.Cesare Battisti, Les Habits d’ombre, Série noire, Gallimard, 1998, p.84.].
Segio estime que les anciens terroristes exilés «ont le devoir politique et moral de ne pas être ambigus par rapport aux responsabilités qu’ils ont eues. Ils reconnaissent la défaite de cette violence des années septante. C’est bien, mais c’est insuffisant. Il faut qu’ils admettent clairement l’erreur qui a été à la base de ce choix: c’est la clé de tout.» Et à propos des arguments de ceux qui justifient d’une manière ou d’une autre le terrorisme en raison des atteintes à la démocratie italienne durant cette période, Segio répond aussi catégoriquement: «Ces années-là, en réaction à la violence politique, il y a eu des lois d’urgence, des prisons spéciales et même des violences sur les détenus. Il faut le dire pour avoir une lecture juste de cette période, mais je suis d’accord avec ceux qui disent que l’Italie demeurait une démocratie. Une démocratie qui a dérogé avec des lois spéciales et un traitement dur du terrorisme mais une démocratie tout de même»[12.Le Monde du 30 mars 2004.].

La Commune, la résistance et le terrorisme

On peut absolument et fermement s’opposer à l’extradition de Battisti sans pour autant défendre implicitement son parcours politique ou tenter à tout prix d’en amoindrir la responsabilité. Et pourtant quel concert! Philippe Sollers qui, mégaphone à la main, confond la prison de la Santé avec un plateau de télévision pour défendre le «révolutionnaire» Battisti. Daniel Pennac qui mélange la Commune de Paris et les «années de plomb». Bernard-Henri Levy, qui n’a certainement pas lu Battisti, demande l’indulgence pour un homme qui «non content d’abjurer son passé (?) exhorte les générations nouvelles, dans ses romans, à ne surtout pas l’imiter (??)» [13.Le Point du 11 avril 2004.]. Quant à Jean-Bernard Pouy – écrivain -, il affirme dans un article intitulé «Battisti, victime de la nostalgie des chemises noires» que «les agissements aveugles et exacerbés de la justice berlusconienne, aggravés par un profond parfum de rancœur, de délation et de vengeance, sentent bon ces années où la chemise noire était le fin du fin de la mode transalpine»[14.Libération du 13 février 2004.]. On passera sur la méconnaissance absolue des rapports entre Berlusconi et la justice italienne mais on ne peut ignorer ce mépris et cette arrogance d’une large part de l’intelligentsia française qui s’accompagne d’un refus de l’analyse politique et historique. La pétition signée par 22.000 personnes dont quelques-unes des grandes personnalités des lettres, de la pensée et de la politique[15.Sous la houlette de Bertrand Delanoë, la majorité verte-socialiste de la capitale s’est fendue d’une résolution prenant Cesare Battisti «sous la protection de la ville de Paris».] témoigne de cette méconnaissance (ou de cette mauvaise foi). Le texte évoque «cette quasi-guerre civile qui secoua l’Italie de 1968 jusqu’au sein des années quatre-vingt» et affirme que Battisti fut jugé «pour des faits liés aux affrontements politiques et sociaux d’alors notamment pour des homicides qu’il a toujours niés». À ce propos, l’intellectuel communiste français, Maurice Goldring, a mis les points sur les «i» avec beaucoup de pertinence dans une lettre au courrier des lecteurs du journal Le Monde [16.Le Monde du 6 mars 2004.] : faisant la différence entre les anciens militants d’extrême gauche et «les militants qui ont utilisé la terreur comme moyen d’action politique», il se demande «comment exprimer une telle solidarité (NDLR: la libération pour raison de santé ou le refus de l’extradition) à leur égard tout en maintenant une condamnation de principe contre les activités qu’ils continuent de justifier? (…) Quand on me demande de signer des pétitions pour des emprisonnés de l’ETA, de l’IRA, et aujourd’hui pour les anciens terroristes d’Action directe, ou contre l’extradition de Cesare Battisti, j’exige le rajout d’une formule simple: “Je demande pour ces emprisonnés les garanties judiciaires et le respect de la personne humaine qu’ils ont refusé à leurs victimes”. Les responsables des différents comités de solidarité ne l’ont jamais acceptée. Pourquoi?»

Le refus de l’histoire

L’écrasante majorité des intellectuels italiens s’est révoltée contre cette imposture qui consistait à laisser l’imaginaire français prendre la place d’une analyse historique ou à accepter l’instrumentalisation politique au nom de la défense des droits de l’exilé.

Les années de plomb, «notre horrible saison du sang», comme l’appelle Giorgio Bocca, journaliste, écrivain, intellectuel issu de la résistance – armée – antifasciste, ont été, il est vrai, une période d’une violence extrême.

Et il faut certes juger l’attitude de milliers de jeunes engagés en première ou deuxième ligne dans le terrorisme dans ce contexte. Celui des complots d’extrême droite, de la stratégie de la tension organisée par les services secrets italiens et américains dont le but commun (partagé d’ailleurs par les Brigades rouges et leurs émules) était d’empêcher le Parti communiste italien (PCI), au faite de sa puissance, d’accéder au gouvernement. Mais aussi celui d’une contestation radicale du capitalisme, sans doute même la plus radicale dans l’histoire européenne de la seconde moitié du XXe~siècle. Après la libération et la politique d’union nationale, les résistants communistes — en tout cas un certain nombre d’entre eux — ont gardé leurs armes. Dans les années soixante, la rhétorique du « grand soir » n’est pas morte. La glorification de la violence a des partisans. Et quand apparaît le terrorisme d’extrême gauche, souvent issu de racines catho-communistes, il est parfois accueilli avec complaisance. Les «camarades qui se trompent», disaient des intellectuels de gauche. Ils font partie de «l’album de famille» écrira (tout en en faisant une critique intransigeante) Rossana Rossanda, dirigeante historique du groupe et quotidien Il Manifesto, fruit d’une scission de gauche du PCI. «Lotta Continua» revendique, pour sa part, le mot d’ordre «Ni avec l’État, ni avec les BR (Brigades rouges)». Les franges les plus radicales de l’extrême gauche manifestent à l’époque l’arme à la main et glorifient le «camarade P38» (le P38 étant le calibre le plus utilisé par les adeptes de la «violence prolétarienne»). Tout cela doit être pris en compte dans l’analyse du terrorisme. Comme la violence de la répression et d’un État qui sera d’autant plus vigilant vis-à-vis de l’extrême gauche qu’il a été complaisant avec l’extrême droite. Tout cela est vrai mais ne conduit ni à une situation révolutionnaire, ni à une situation de guerre civile. Les terroristes finiront d’ailleurs par verser dans une véritable guerre privée avec l’État. De plus en plus de groupes terroristes s’en prennent aux magistrats, journalistes progressistes ou aux militants syndicaux. Il s’agit de faire la guerre au réformisme et d’empêcher à tout prix la participation au pouvoir du PCI. En 1978, l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, le dirigeant démocrate-chrétien qui s’inscrivait dans cette perspective, constitue le sommet de cette stratégie qui a du rencontrer d’une manière ou d’une autre celle des services secrets américains.

Cela dit, tous ne furent pas aussi politiques ou idéologiques. «Le terroriste Battisti, écrit Giorgio Bocca, fut un de ceux — si nombreux — qui ont vécu une histoire confuse, ambiguë et qui avec le passage des ans l’ont reconstruite et embellie, l’imaginant comme une guerre civile qu’elle ne fut pas, alors qu’il s’agissait seulement d’une subversion limitée, avec des ennemis inventés et qui ignoraient même l’être, comme la plupart de ceux qui furent «gambizzati» («dont on tira dans les jambes») ou assassinés.» Le refus d’une extradition ou l’exigence d’une libération ne justifient pas la complaisance ou l’amnésie.