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Livre blanc

Livre blanc : texte élaboré par la Commission européenne sur une recette unique et éprouvée depuis celui élaboré sous la présidence de Jacques Delors. La formule a été rééditée par les commissaire européens Edith Cresson et Padraig Flynn. Leur Livre blanc s’intitule « Enseigner et apprendre. Vers la société cognitive ». le succès est tel que l’année 1996 a été baptisée « Année de l’éducation et de la formation tout au long de la vie ». La formule commune aux Livres blancs est simple et efficace. D’abord, c’est le choix des défis. Ensuite, il faut s’adapter sous peine de disparaître. Enfin, si l’on veut survivre, il faut mettre en œuvre des solutions inéluctables. On sait que l’Église catholique, après avoir réhabilité Galilée, vient de réhabiliter Darwin. Est-là cependant une raison suffisante pour que l’Union européenne s’engage toute entière dans un fonctionnalisme néo-darwinien ? Dans le système éducatif imaginé par Edith Cresson et Padraig Flynn, l’économique détermine le social et le pédagogique sans autre médiation. Il y a en effet trois défis (on peut remplacer à volonté « défi » par « choc », ces deux termes étant interchangeables dans la terminologie standard) : mondialisation, société de l’information et progrès scientifiques et techniques. Ensuite il faut s’adapter. Il est ainsi martelé tout au long des pages que « les institutions éducatives et de formation doivent s’adapter » que « l’école doit s’adapter pour survivre et nos sociétés européennes doivent favoriser l’adaptation des structures sociales si elles-mêmes survivre dans la compétition économique mondiale« . Enfin, il ne nous reste qu’un choix inéluctable préconisé bien sûr par le Livre blanc : se former tout au long de la vie. Alors que précédemment, pour des générations de militants, l’éducation populaire et la formation permanente étaient inséparables de la promotion sociale et professionnelle des personnes, leur signification se trouve inversée dans la perspective définie par le Livre blanc. En effet, comme pour les auteurs de la notion même d’emploi à temps plein et à durée indéterminée est associée à un archaïsme étranger à notre époque, les individus doivent construire leur qualification et cofinancer eux-mêmes leur formation continue en recourant aux multiples possibilités offertes par le marché de la formation. Ils pourront dans ces conditions occuper des « jobs » successifs qui jalonneront leur vie professionnelle. Alors que la dérégulation proposée des diplômes et la moindre importance accordée à l’enseignement initial doivent constituer un coup d’arrêt au mouvement de démocratisation des études en cours, le « life long learning » (ou éducation et formation tout au long de la vie) devient un ensemble d’obstacles (appelés formation), continuellement renouvelés que l’on doit franchir pour échapper aux processus d’exclusion professionnelle et sociale. Au lieu d’assurer la promotion sociale, l’éducation devient ainsi, pour seulement ceux qui sauront en tirer personnellement profit, un moyen de survie retardant un déclassement qui vraisemblablement sera inéluctable avec l’âge. Faut-il être de mauvaise foi pour taxer de cyniques ceux qui proposent comme perspective la déstabilisation des emplois alors qu’eux-mêmes, grâce précisément au courage et au réalisme dont ils font preuve, ont bien mérité de quelque sécurité ?