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Logement en Wallonie : sortir de l’enlisement

Égalité dans l’accès au logement: les Assises pour l’égalité en ont parlé à Verviers, Arlon, Louvain-la-Neuve et Mons. Pendant deux ans, elles furent les témoins privilégiés de situations de vie frisant parfois l’insupportable. Levée de voile, par des citoyens préoccupés, sur un secteur en danger. Ce texte a été présenté à la journée de clôture des Assises pour l’égalité, le 29 mars 2003.

L’article 23 de la Constitution belge proclame que « chacun a droit à un logement décent ». Malheureusement, en Wallonie, placés dans l’impossibilité de pouvoir concrétiser ce droit, de plus en plus de familles et d’individus basculent dans la précarité, l’endettement et l’exclusion sociale. Lors de la séance de clôture du chantier de l’égalité du Hainaut Occidental, une citoyenne tirait en effet la sonnette d’alarme : « Comment peut-on vivre décemment avec 1000 euros par mois quand on paie déjà 500 euros de loyer et de charges ? » Depuis plus d’un an et demi, quatre chantiers des Assises se sont penchés sur la problématique du logement en région wallonne. Pour alimenter la réflexion, poser des constats et trouver des pistes d’actions égalitaires, les groupes de travail de Verviers, Arlon, Louvain-la-Neuve et Mons ont décidé de fonder leur démarche sur l’étude des nouveaux plans d’ancrage communal et sur l’expertise de personnes directement impliquées dans le secteur du logement (représentants de CPAS, d’AIS, de sociétés de logements de service public, de centres d’accueil, de mandataires politiques…)

Un secteur en crise

Chacun sait l’importance du logement, lieu de sécurité, de garantie de vie privée, d’épanouissement et d’éducation. La maison, l’appartement, c’est la famille. L’absence de foyer ou la perspective de cette absence mine le couple, insécurise les parents et les enfants, interdit tout projet d’avenir. Aujourd’hui, pour les familles les plus pauvres, le montant du loyer constitue souvent le seul et unique critère pris en considération au détriment de la qualité du logement ou de son environnement. Qui dressera le bilan des conséquences de situations d’habitations dans des logements inadéquats, en termes de retards scolaires, de soins de santé, de familles éclatées, ou de placements d’enfants? 1. L’escalade des prix La flambée des valeurs foncières et immobilières est une triste réalité wallonne. Cette hausse de prix s’explique notamment par la proximité de certaines provinces (Brabant wallon et Luxembourg – quid Verviers et Mons ?) avec des zones réputées riches comme Bruxelles, le grand-duché du Luxembourg et, dans une moindre mesure, l’arrondissement de Marche (implantation militaire et afflux touristique). D’une manière générale, cette augmentation des prix du l’habitat oblige les personnes à moyens ou bas revenus de faire des choix parmi les ressources prioritaires de la vie quotidienne : habitat décent, état de santé de leur famille (médecine, alimentation, vêtements), charges locatives (électricité, eau, chauffage), mobilité. Pour une province comme le Brabant wallon, l’escalade des prix provoque quant à elle le début d’un exode de la population vers les provinces voisines, moins chères. 2. Logements sociaux, colosses aux pieds d’argile Face à la rude concurrence du marché locatif privé, les sociétés de logements de service public sont garantes d’un accès au logement à bon prix pour les catégories de populations les moins aisées de Wallonie. Malheureusement, l’aide du secteur public aux populations économiquement plus fragilisées est largement insuffisante. 2.1 Un parc wallon trop étroit Qu’on habite le Borinage, le Luxembourg, le Brabant wallon ou la région verviétoise, le constat est identique : les sociétés de logements sociaux manquent cruellement de place pour accueillir ceux qui en auraient le plus besoin. Pour la seule province du Brabant wallon, ce sont pas moins de 2400 familles qui sont victimes de cette carence en immeubles publics. Pour des raisons historiques et sociales mais aussi parfois dû à des choix politiques régionaux ou locaux, la province de Luxembourg ne compte, de son côté, qu’environ un seul logement social pour 80 habitants, contre une moyenne d’un pour 33 en Wallonie. Incontestablement, il y a là un déficit à combler. Pour ces deux provinces (quid Verviers Mons?) on remarque par exemple que presque la moitié des communes ne disposent pas de logements sociaux (10/28 en Brabant, 50~% en Luxembourg) ! 2.2 Difficultés financières Face à ce manque de place et devant le peu de possibilités de constructions neuves, certaines sociétés de logements sociaux s’orientent vers la rénovation d’anciens bâtiments industriels (Verviers). Si cette politique peut paraître séduisante, il n’en reste pas moins que dans les faits ces opérations de rénovations coûtent bien souvent plus chers que de construire de nouveaux bâtiments. Par ailleurs, et cela n’est pas à négliger, le paradoxe principal du logement social réside dans le fait que les loyers, et par-là les rentrées financières des sociétés de logements sociaux, sont proportionnels aux revenus des locataires que ces sociétés hébergent. On imagine dès lors aisément l’impasse dans laquelle ces dernières s’enfoncent petit à petit. D’une manière générale, il est indéniable que la situation du secteur du logement social wallon est totalement aberrante. D’un côté, la législation impose aux sociétés de logements d’offrir des logements sociaux à bas prix. De l’autre, le budget de ces sociétés doit afficher un équilibre financier sans faille. Bien que cette tension entre politique sociale et gestion peut être réduite par le soutien communal et provincial (don de terrains,…) l’état de santé financier des sociétés de logements publics reste donc très alarmant. À l’heure actuelle, la crise du logement public est à la base de la création progressive de poches d’extrême pauvreté dans les provinces wallonnes. Un phénomène qui s’illustre notamment par l’expansion du nombre de résidents permanents dans des campings. Devant le manque de logements locatifs (publics ou privés) et la surenchère des prix de la location immobilière, certaines familles sont en effet contraintes à déménager dans ces lieux d’habitats très précaires. Enfin, en ce qui concerne les villes et les communes de moyenne importance, chacun peut constater que la pauvreté et l’exclusion sont des réalités qui se marquent par un « territorialisation » et une « ethnisation » de l’occupation des quartiers qu’il nous faut combattre. Ces réalités doivent être prises en compte dans une politique d’aménagement des villes mais induisent également que les actions de partenariat et de participation qui pourraient être développées avec les gens doivent se mener par rapport à des sphères géographiques limitées tels les quartiers. Les initiatives encouragées en cette matière par la Région Wallonne au travers des Quartiers d’initiatives doivent être poursuivies et analysées. 2.3 Logements d’urgence et de transit Les logements d’urgence et de transit partagent les mêmes soucis que les sociétés de logements de service public. Face à des situations d’urgence (relogement d’une famille après un sinistre ou une expulsion, accueil de réfugiés) même la plus petite commune devrait disposer d’au moins un logement disponible. Or on observe souvent ( Lux quid autres provinces ?) que moins d’une commune sur deux dispose de ce types de logement. Ailleurs, les communes manque cruellement d’une politique volontariste et seule en la matière (Brabant wallon).

Pour un politique publique volontariste

Le secteur du logement wallon n’est pas au mieux de sa forme. C’est un euphémisme. L’accès à un logement salubre et bon marché reste aujourd’hui une entreprise bien difficile pour beaucoup de personnes détentrices de revenus modestes. Or l’accessibilité à un tel type d’habitat est un droit fondamental qu’un pays surdéveloppé comme la Belgique devrait logiquement garantir. Afin d’éviter que le secteur du logement continue de créer des inégalités flagrantes entre les différentes couches de la population wallonne, il paraît primordial de soutenir une série de pistes politiques et sociales durables dans le domaine du logement tant privé que public. Il faut tout d’abord réaffirmer l’importance du rôle de l’acteur public afin de garantir le droit constitutionnel au logement. Il faut appuyer l’action des pouvoirs publics dans leur rôle de régulateur du marché. Le public doit être un promoteur propre mais doit aussi agir sur le privé. Une implication volontariste du secteur public dans la gestion du prix du logement paraît une première mesure nécessaire pour tempérer l’impact de la stricte logique économique et permettre à tout un chacun un accès réel au logement privé. Pour réguler et contrôler les prix des locations, pourquoi ne pas suivre des pistes telles que le permis de location ou la notion de « juste prix » ? Ensuite , il est essentiel de favoriser une cohérence et une complémentarité entre les acteurs publics (CPAS, médiateurs publics) et les différents acteurs du logement (gestionnaires des logements sociaux, associations). Une bonne gestion de la question du logement passe inévitablement par une amélioration des collaborations et de la coordination des services sociaux, le développement de pratiques d’accompagnement social des personnes en difficulté de logement et l’organisation d’espaces d’expression et de participation pour ces personnes.

Cinq mesures concrètes

1) Appliquer la péréquation cadastrale afin que la taxation sur les propriétés s’applique de façon plus équitable entre ancienne et nouvelle construction. (Qui en a la compétence ?) 2) Mettre en place un système de prêt à tempérament 0% pour la garantie locative comme cela existe depuis peu en région bruxelloise. 3) Afin de revaloriser l’image du logement social (pour éviter l’effet Nimby) et pour lutter contre le phénomène de « territorialisation » de certains quartiers, imposer aux villes et villages un nombre minimum de logements publics sur leur territoire à travers le vote d’une loi du type “ Solidarité et Renouvellement Urbain ” à la française (compétence régionale), imposant un pourcentage minimum de 5 % de logements publics gérés par des Communes, CPAS, SLSP, AIS, ou OFS, et ce en supprimant les distinctions entre logement social, modeste et moyen pour calculer uniquement le loyers sur base des revenus des personnes. 4) Au niveau fiscal (compétence fédérale et régionale), nous proposons la création d’un fonds de « solidarité logement », intercommunal ou provincial alimenté par une réforme de la fiscalité du logement, notamment par:  la taxation des plus-values réalisées par la location de biens privés au delà d’un coefficient de rentabilité,  la taxation sur les terrains non-bâtis et bâtiments inoccupés,  le prélèvement sur leurs ressources fiscales pour les communes qui ne respectent pas ou ne mettent pas en œuvre le pourcentage minimum de 5 % de logements publics sur leur territoire. Dans ce cadre, le Schéma de Développement de l’Espace Régional (SDER) et la Commission Régionale d’Aménagement du Territoire prévoient la mise en place de Communautés Urbaines afin de favoriser des aires supra-communales via la péréquation fiscale entre zones urbaines et rurales. Il faut soutenir cette initiative qui nous paraît aller dans le sens de la solidarité entre communes. 5) Afin de renforcer la participation conjointe et démocratique, l’attribution des fonds récoltés serait décidée par un Conseil du logement intercommunal ou provincial (compétence régionale) regroupant tous les acteurs du logement : politique, associatif, institutionnel et usagers. Les actions à mener seront notamment de :  mobiliser les réserves foncières publiques : Province, communes, CPAS, SLSP,…  renforcer le financement de l’AIS pour augmenter la prise en location des logements sur le marché privé,  aider les sociétés de logements sociaux à revitaliser les centres urbains en subsidiant l’acquisition de logements à rénover. Pour conclure, reprenons un extrait de la charte des Assises pour l’égalité: « cœur de tout projet politique authentiquement démocratique, l’aspiration égalitaire doit être raffermie. de même, le critère d’égalité doit être mis au centre du jugement porté sur les politiques publiques« . Et c’est donc aussi l’ambition des quatre groupes pour le secteur du logement wallon qui mériterait d’être replacé au centre de la politique publique. Une politique dont les décideurs devraient, au jour le jour, travailler vers plus de respect, de solidarité et d’égalité pour tout les habitants.