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Mouvements sociaux : un modèle belge ? Le militantisme en question (présentation)

Le tableau de Gustave Wappers Épisode des journées de septembre 1830 constitue l’image par excellence de la Révolution belge. Des patriotes en armes se battent sur la Grand-Place tandis que quelques martyrs rendent l’âme à leurs pieds. Les couleurs nationales sont hissées. Un bourgeois triomphant salue la foule de son étalon.

La mobilisation « à la française » semble bien éloignée du quotidien de la plupart des militants belges.

Belgique et mobilisations sociales semblent s’enchevêtrer dès l’origine. Cet État serait né d’une révolution comportant une dimension populaire et la société civile a joué un rôle central au cours de l’histoire. Mais l’œuvre de Wappers invite aussi à s’interroger sur les représentations et interprétations des mobilisations. On peut en effet questionner la véracité historique des faits représentés. Ce tableau fait en outre écho à La liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Pour des raisons culturelles et linguistiques évidentes, la France conditionne en partie le regard que l’on porte sur les mouvements sociaux en Belgique. Or la mobilisation « à la française » semble bien éloignée du quotidien de la plupart des militants belges. L’objectif de ce dossier est double Ce dossier fait suite à un cycle de cours-conférences présentés en novembre 2013 dans le cadre du Collège Belgique de l’Académie royale de Belgique autour du thème « Belgique, terre de luttes ? Histoire et actualité des mouvements sociaux », sous la coordination de David Paternotte. D’une part, les articles se penchent sur des mobilisations spécifiques afin d’en dégager les principales caractéristiques. D’autre part, cette mosaïque laisse percevoir les spécificités des mobilisations belges en les situant dans leur contexte national, y compris lorsqu’elles portent sur des objets qui donnent lieu à des mobilisations ailleurs et renvoient à des identités a priori transnationales. Ces articles interrogent ainsi le champ théorique de l’étude des mouvements sociaux, ainsi que la configuration même de l’État et de la société belges, de leur organisation et de leur interpénétration. Les syndicats sont au cœur du militantisme en Belgique. Mais ils cherchent de nouvelles formes de mobilisation, y compris avec des composantes du monde associatif, comme le montre Fanny Theunissen à propos du mouvement « Acteurs des temps présents ». Examinant les régularisations de sans-papiers, Youri Lou Vertongen évoque aussi la question des alliances entre organisations de différents types lors d’une même mobilisation. À partir d’événements survenus lors de la Belgian Pride, Bart Eeckhout confronte les identités et se demande dans quelle mesure il est possible d’articuler – ou non – la cause homosexuelle et la cause nationaliste flamande. Abordant aussi le mouvement gay, ainsi que le combat féministe, Petra Meier montre en quoi la fédéralisation de la Belgique est une opportunité et une contrainte pour les milieux associatifs devant naviguer dans ce dédale. Henri Goldman questionne le rapport à l’État sous l’angle financier. Le monde associatif bénéficie largement de subventions pour pouvoir se développer et survivre. Quel est l’impact de cette relation de dépendance sur les mouvements sociaux ? Bérengère Marques-Pereira souligne les spécificités de la pilarisation et de la démocratie consociative belge qui ont conditionné la lutte pour la dépénalisation de l’avortement. François Fecteau et Renaud Maes se demandent si la reconnaissance de la Fédération des étudiants francophones (Fef) comme interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et l’attrait pour la négociation n’ont pas détourné les étudiants de la rue. On peut semblablement interroger la stratégie syndicale. Jean Faniel se demande si les syndicats ne sont pas devenus profondément dépendants de la négociation, perçue comme une fin en soi et non plus seulement comme un élément du répertoire d’action. Geoffrey Pleyers rappelle que les mouvements sociaux constituent aussi des lieux d’expérimentation, comme l’illustre le mouvement pour une consommation critique. Enfin, David Paternotte et Jean Faniel dégagent les principaux traits caractéristiques des mobilisations en Belgique. Ce Thème a été coordonné par Jean Faniel et David Paternotte.