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Nouvelle donne à gauche

Les résultats du 7 juin modifient l’alchimie à gauche entre le rouge et le vert, entre une social-démocratie en panne et une écologie politique qui doit encore tout prouver. Une synthèse est-elle possible ? Place au débat.

Retour sur nous-mêmes. Cette revue a été créée il y a maintenant douze ans par des personnes appartenant à différents horizons de la gauche : socialistes, écologistes, proches de la gauche chrétienne et du mouvement social ou sympathisants de la gauche radicale, tout en brassant les genres et les générations et en transgressant les barrières réputées infranchissables des piliers. Entre nous, les désaccords n’ont jamais manqué, fruits de cette diversité. Saluons-les. Ils sont le sel de la pensée libre et non inféodée. Mais tous partagent ce cadre commun : la gauche. Ce terme n’a rien de magique. Il n’y a pas d’un côté la gauche vertueuse et la droite infréquentable par double pétition de principe. La gauche est tout autant capable de turpitudes que la droite, nous ne le savons que trop. Et à force de turpitudes, à force aussi d’avoir effacé ces dernières années toutes les lignes de démarcation qui pouvaient la distinguer de la droite, à force d’avoir assumé la plupart des évolutions récentes vers la dérégulation, les privatisations et le règne de l’argent-roi, elle a perdu son pouvoir d’évocation et de séduction, surtout auprès des plus jeunes pour qui les batailles passées d’où la gauche tire ses lettres de noblesse relèvent presque de la préhistoire. Mais pour cette revue, qui a de la mémoire, la gauche est quelque chose de plus simple et de plus exigeant à la fois : avoir la passion de l’égalité et prendre en toute circonstance le point de vue et le parti des dominés, comme manière d’appréhender l’intérêt général. Au fil de ces douze ans, nous avons modestement pesé pour rendre possible un gouvernement commun des socialistes et des écologistes, en laissant ouverte la participation d’une troisième composante. Chacun de ces courants disposait à nos yeux d’une partie de la légitimité nécessaire à incarner une alternative progressiste. Les socialistes conservaient, en dépit de tout, ce capital d’adhésion au sein des classes populaires qui doivent faire l’objet de toutes les attentions pour quiconque se réclame peu ou prou de la gauche. Les écologistes prenaient acte des limites indépassables de toute action humaine auxquelles le productivisme restait aveugle, productivisme qui continuait à imprégner l’imaginaire du mouvement ouvrier. Ils apportaient aussi dans l’escarcelle d’un projet progressiste l’adhésion de couches nouvelles urbaines dotées d’un important capital culturel et d’un potentiel d’innovation économique. Ainsi, l’assise de la gauche pouvait-elle s’élargir en s’aventurant sur des terres moins traditionnelles. Avec l’Olivier qui s’annonce, on n’est pas loin de ce que Gramsci appelait il y a près d’un siècle un nouveau bloc historique qui servirait de base sociale majoritaire à un autre projet de société. Parmi nos amis, et notamment ceux qui s’expriment sur nos blogs, tous n’y croient pas. Mais l’essai vaut la peine d’être tenté. Sans perdre pour autant son sens critique. On aura plus que jamais encore besoin de revues libres et d’espaces de débat. 8 juin 2009