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Quand Denis Ducarme (MR) relaie la propagande d’Israël

Réunie en urgence cet été sous la pression de l’opposition et de la société civile, la Commission des Relations extérieures du Parlement belge consacrée à la situation au  Moyen Orient a une fois de plus permis au parti libéral francophone de manifester sa proximité appuyée avec le récit israélien. Un alignement qui pose d’urgentes questions démocratiques. 

Si la réalité de l’entreprise israélienne d’extermination de la population civile palestinienne n’est plus à démontrer, une autre  guerre prend également place depuis plus de deux ans : celle de propagande qui vise à influencer les perceptions des opinions publiques occidentales en vue de protéger Tel-Aviv de toute sanction effective. En Belgique francophone, c’est le Mouvement Réformateur (MR) qui est le principal relai de cette “hasbara” [nom hébreu pour désigner cette stratégie de communication], comme l’a illustré une fois de plus la session extraordinaire de la chambre qui s’est tenue le 14 août 2025 afin d’évoquer la situation en Palestine. 

Alors que la plupart des interventions exprimaient une condamnation ferme de la dévastation en cours à Gaza et en Cisjordanie, celle du représentant du MR, Denis Ducarme, a détonné. Ce dernier a appelé à une posture de « rationalité », opposée à celle qu’il a qualifiée de « militante », cette dernière ne permettant pas, selon lui, de trouver une solution adéquate aux évènements en cours.

Euphémiser l’horreur à Gaza

Chaque formation politique est bien entendu libre d’exprimer les propos qui reflètent sa vision et ses positions. Il est cependant déconcertant de constater à quel point les propos tenus par le MR lors de cette session sont en alignement complet sur la désinformation que l’Etat d’Israël entretient systématiquement afin de minimiser la commission du crime de génocide de la population palestinienne dont il est l’auteur1. Il est par ailleurs significatif qu’aucun des deux élus membres de la Commission Affaires extérieures de la Chambre, Michel De Maegd et Charlotte Deborsu, connu pour leurs divergences de vue avec le président du parti Georges-Louis Bouchez sur ce dossier, n’aient pas été désignés pour s’exprimer lors de cette session.

Cet alignement, exprimé lors de la session extraordinaire de la Chambre – mais au fond de manière systématique depuis plusieurs mois maintenant, au mépris des faits établis de manière intangible par les institutions et experts compétent – s’apparente en réalité à une posture militante, en soutien d’un Etat et de son gouvernement coupables des pires crimes.

Non content de proférer des attaques répétées à l’encontre de la presse, d’afficher de manière ostensible une volonté de criminaliser les oppositions politiques – voire ses propres partenaires de gouvernement –, c’est la reprise termes à termes des éléments de langage du gouvernement israélien par le MR qui pose question.

Alors qu’un consensus international et basé sur des preuves irréfutables est fermement établi sur la situation de famine dans la bande de Gaza, le député du parti politique mentionné se contente d’évoquer une « malnutrition » qui s’aggraverait. Alors que les organisations humanitaires compétentes sont délibérément empêchées de faire leur travail afin d’apporter des biens de nécessité vitale à une population civile en détresse, le même député évoque « différents problèmes » relatifs à l’acheminement de l’aide humanitaire. Il s’est de surcroît lancé dans une analyse hasardeuse sur la disparité de la situation alimentaire dans les différentes parties de Gaza – s’assimilant à nouveau à une minimisation de la famine mise en oeuvre par le gouvernement israélien – alors que la bande est tout simplement « rasée » dans sa quasi intégralité selon le média d’enquête israélien +972Mag, et que les dernières enclaves de vies qu’elle contient sont maintenant prises d’assaut.

Appel à “collaborer” avec la Gaza Humanitarian Foundation

Plus troublante encore est sa mention de la Gaza Humanitarian Foundation – qui n’aura été évoquée que par ses initiales –, présentée comme une « initiative humantaire qui vise à remettre à plat le fonctionnement [de l’aide humanitaire] », la légitimant de facto et allant jusqu’à demander au ministre compétent de “collaborer” (sic!) avec elle. Pour mémoire, cette entreprise privée américano-israélienne, a été mise en place dans des conditions assez troubles en février 2025. Alors que les camions d’aides alimentaires officiels des Nations Unies restaient bloqués à la frontière, la “GHF” a été instituée dans l’unique but de se substituer aux organisations humanitaires reconnues.  Organisant une distribution d’aide alimentaire au compte-goutte, elle s’apparente à un dispositif visant à organiser la famine dans l’enclave, et constitue donc un rouage essentiel du génocide en cours. Le 5 août dernier, des experts de l’ONU affilié au Haut Commissariat pour les Droits Humains ont d’ailleurs publié un communiqué de presse appelant au démantèlement de l’organisation et déclarant « la qualifier d’ “humanitaire” renforce le camouflage humanitaire d’Israël ». 

Enfin la reproduction du mensonge par le même parlementaire consistant à évoquer le « décès » de civils se rendant aux points d’acheminements « humanitaires » travestit la cruelle réalité de la fondation, qui, non contente d’introduire des opioïdes dans la maigre nourriture distribuée, réalise des distributions qui servent d’appât et donnent lieu à un véritable champ de tir des plus meurtriers–  déjà responsable de plus de 2000 morts – , évoquant une barbare parodie des « Hunger Games » qui aurait dû rester du domaine de la fiction dans un monde raisonnable.

Le rôle de la propagande dans les actes génocidaires

Si l’inaction du gouvernement fédéral face à ce qui pourrait être le plus grave génocide du XXIe siècle constitue une violation de ses obligations au titre de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, reprendre ainsi la propagande du régime qui les perpétue constitue une étape supplémentaire dans l’ignominie.

Si les génocides ont été et sont historiquement possibles, du génocide des Hereros et Namas en Namibie à celui du peuple palestinien, en passant par le judéocide, c’est qu’au-delà des bombes, des balles et de la famine, la mise en place d’une propagande visant à désorienter les perceptions et à déshumaniser les victimes a été et est l’un des rouages essentiels rendant possible la commission du crime le plus odieux. Que le mensonge est le prodrome du crime, comme l’avait établi la philosophe Hannah Arendt2

à titre d’exemple, rappelons d’ailleurs que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a condamné les protagonistes de la tristement célèbre “radio mille collines”. Ou encore que les propagandistes ont également été jugés lors des procès de Nuremberg : les magistrats reconnaissaient alors la désinformation comme l’une des composantes nécessaire au meurtre industriel des  populations juives, roms, slaves et autres pour ce qu’elles étaient3.

Une enquête plus approfondie sera sans doute nécessaire pour comprendre les intérêts et calculs qui conduit un parti politique belge à s’aligner de la sorte sur un agenda étranger, au risque de nous entraîner loin des positions de défense du droit international traditionnellement défendues par la Belgique. En attendant, la responsabilité de tous les élus de la Nation est de combattre ces postures cyniques de manière à ce que notre pays fasse enfin ce qui est en son pouvoir pour cesser de nous rendre collectivement complice du génocide en cours.

  1. Sur la désinformation israélienne, on verra Miriyam Aouragh, « Hasbara 2.0 : Israel’s Public Diplomacy in the digital Age », in Middle East Critique, n°25, 3, p. 271-297. ↩︎
  2. Hannah Arendt, « Du mensonge à la violence », Paris, Payot, 1972. ↩︎
  3. Gregory S. Gordon, « The Propaganda Prosecutions at Nuremberg: The Origin of Atrocity Speech Law and the Touchstone for Normative Evolution », in LIR, n° 39, 1, p. 209-245. ↩︎