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Quand la vie privée devient publique

14 FÉVRIER 2020 : BENJAMIN GRIVEAUX ANNONCE LE RETRAIT DE SA CANDIDATURE À LA MAIRIE DE PARIS, SUITE À LA DIFFUSION D’UNE VIDÉO À CARACTÈRE INTIME.

Quelle est la différence entre vie privée, vie publique et vie médiatique ? Quelles sont les frontières à ne pas franchir pour que les droits les plus fondamentaux quant au respect de la vie privée soient garantis et respectés ? Ces questions reviennent fréquemment, surtout lorsque « ces vies » se chevauchent, ce qui arrive souvent pour les hommes et femmes politiques. Lorsque des personnalités ont des responsabilités politiques – et donc des comptes à rendre aux citoyens électeurs –, la vie privée revêt une importance si elle est liée à l’intérêt général ou si elle impacte le bon fonctionnement de la société.

Cette coutume est devenue une sorte de règle tacite en France après la mort de François Mitterrand. Les Français n’avaient en effet appris le cancer du président que très peu de temps avant sa mort ; ses « deux familles » étaient présentes lors des funérailles, ce qui avait fortement marqué l’opinion publique française. Dans ce cas précis, c’est l’état de santé de Mitterrand qui avait suscité de nombreuses questions puisqu’on avait estimé que son mandat – et donc ses responsabilités politiques – ne pouvait pas être pleinement accompli.

De nombreux cas, plus frivoles et plus judiciaires, ont alimenté la presse depuis lors. Comme l’affaire DSK qui empêcha l’ancien directeur du Fonds monétaire international de se présenter aux élections présidentielles mais qui, surtout, l’envoya vers la case prison. Médiatiquement, son histoire a suscité à la fois moqueries et stupéfactions, sa présomption d’innocence était, tantôt rappelée, tantôt bafouée.

Plus récemment et toujours en France, c’est l’affaire Griveaux, du nom du candidat aux élections municipales parisiennes, qui a suscité de nombreuses réactions, suite à des révélations sur sa vie intime. Une vidéo où l’homme apparaîtrait en pleins ébats avec une femme qui ne serait pas son épouse a été diffusée. Elle a rapidement fait le tour des réseaux sociaux avec une question en toile de fond : comment un candidat qui a bâti son programme sur les valeurs, notamment familiales, peut-il se retrouver au cœur d’un tel scandale ? Griveaux, lui, ne nie pas. Il ne confirme pas, non, mais il démissionne.

S’il est évident que des éléments d’ordre privé doivent être connus du public s’ils ont une quelconque influence sur l’état de fonctionnement de la société, en quoi les ébats d’un homme ont-ils un intérêt public si cela se fait dans un cadre qui n’est pas extra-légal ? Le débat est sensible, certes, mais il doit avoir lieu pour permettre de mieux situer les frontières et démarquer ce qui est important de ce qui est essentiel pour le bon fonctionnement de notre société. L’affaire DSK avait un autre sens puisqu’il s’agissait d’un viol présumé, acte pénalement répréhensible et pour lequel il a effectivement été poursuivi par la justice. Dans l’affaire Griveaux, il n’en est rien.

Quel est l’intérêt de diffuser une information portant sur la vie privée ? C’est la question que chaque journaliste doit se poser avant de divulguer une information qui fait basculer l’intime vers le médiatique. Car les libertés les plus fondamentales, dont le respect de la vie privée, s’appliquent à tous, sans distinction. Une règle éthique que le monde médiatique se doit de respecter pour ne pas basculer dans des dérives impropres à nos démocraties.