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Racisme anti-blanc

RACISME ANTI-BLANC : le racisme désigne-t-il exclusivement les discriminations reposant sur des préjugés concernant les populations dominées ou minoritaires ou s’applique-t-il également au rejet des groupes majoritaires ? Dès l’adoption en 1981 de la loi Moureaux contre le racisme et la xénophobie en Belgique se posa la question de savoir si un immigré insultant un Belge de « sale Belge », par exemple, pouvait faire l’objet de poursuites non seulement pour injure mais pour injure raciste. En France, très tôt le Front National fera de la dénonciation du « racisme anti-blanc » ou « anti-Français » son cheval de bataille. À présent, même des associations antiracistes comme la Licra et le Mrap en France se sont ralliées à l’idée d’un racisme anti-blanc. L’anthropologie nous a pourtant appris qu’il existe dans toute société une tendance à cliver le monde entre « eux » et « nous » et à dévaloriser les autres sans qu’il ne soit pour autant question de racisme. Pour Albert Memmi qui a forgé la notion d’hétérophobie, si le racisme en est bien une forme, toute hétérophobie n’est pas pour autant assimilable au racisme. Dans Portrait du colonisé, précédé du Portrait du colonisateur (Buchet Chastel, 1957), Albert Memmi replace le racisme dans son rapport dominants/dominés. S’il y a parfois, précise-t-il, des formes de racisme de la part des dominés, il s’agit là de manifestations mineures qui ne peuvent être prises en compte au même titre que le racisme principal qui est celui des dominants. Il ne suffit donc pas de proférer des insultes à l’égard des « blancs » pour en faire des manifestations de « racisme ». Claude Grignon considère de son côté les réactions apparemment racistes des dominés, comme « contre-racisme », un renvoi de stigmate, ou encore une contre-stigmatisation des groupes racisés. Le racisme ne se réduit pas à la seule dimension morale qui consiste à dénoncer des préjugés. Il s’inscrit dans des rapports de domination et la stigmatisation raciste repose souvent sur l’inversion des rapports de domination entre majorité (nous les nationaux) et minorité (eux les étrangers, les « allochtones »). Les dominés seront transfigurés en agresseurs et les dominants en victimes. La violence supposée subie par les victimes (dominants) sera d’autant plus insupportable que les victimes n’osent pas se plaindre par peur de leurs agresseurs (dominés). Les discriminations, les préjugés, la stigmatisation de certains groupes, les insultes et la violence peuvent donc être condamnables sur le plan moral, sans être pour autant de nature raciste. Si l’on fait abstraction de la relation de domination dans sa compréhension, l’accusation de racisme peut être mobilisée dans tous les sens. Cette accusation devient alors une arme pour la droite tout en permettant la racialisation du discours social et la banalisation des multiples formes de racisme. C’est en ce sens que selon Stéphane Beaud et Gérard Noiriel[1.Le Monde, 15 novembre 2012.] le racisme anti-blancs est une imposture. Corrélat : « La peur du vert » (Politique, n°49, avril 2007)