On a assez reproché aux académiques d’occuper une tour d’ivoire. Ils sont en train d’en être déchu, à toute allure, et dure est la chute. Rattrapées par une mise au pas de tout ce qui n’est pas directement rentable et compétitif, les enceintes prestigieuses de l’université font aujourd’hui l’amère expérience de ce à quoi la majorité d’entre nous sont exposés : précarisation massive des statuts, évaluations constantes des moindres faits et gestes, financements de plus en plus restreints et conditionnés, obligations sans cesse croissantes de productivité. Bienvenue dans le monde du marché. Isabelle Stengers, philosophe des sciences, voit venir le coup depuis un petit temps déjà. Elle fournit des armes conceptuelles qui tout à la fois permettent de comprendre ce qui nous arrive et d’apprendre à y résister. Politique l’a rencontrée pour débattre de ces questions.
Dans son « Point » de décembre dernier, consacré au capitalisme vert, Henri Goldman écrit que « la prise de conscience écologique semble parfaitement soluble dans le capitalisme ». En l’occurrence, un capitalisme qui va prendre en charge l’utilisation des financements publics destinés à aider la Terre à se conformer à l’interdit qui lui a été solennellement signifié à Copenhague : elle ne peut se réchauffer de plus de 2 degrés.