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Résoudre facilement la krise du logement

La krise1 du logement peut être résolue très rapidement et sans problème en Belgique2. Il y a une offre de logements privés suffisante pour rencontrer la demande. Et comme nous ne sommes pas dans le cadre d’une pénurie de logements, le politique peut influencer, par des méthodes très simples, les prix des loyers.

Le problème de l’accès au logement en Belgique en général – et plus particulièrement dans les grandes villes – est dû essentiellement à l’inadéquation entre le montant des loyers exigés et les revenus des habitants. En effet, le loyer moyen en Belgique est de 740€ par mois, alors que le revenu moyen des Belges est situé à 1.473€ par mois. Il est donc évident qu’une grande partie de nos concitoyens dépense plus de 50% de ses revenus pour se loger.

Dans une économie capitaliste, tout le monde s’accorde pour affirmer que les prix sont fonction de la « loi » de l’offre et de la demande : plus il y a de biens disponibles, moins ils sont chers. Dès lors, on a du mal à comprendre pourquoi, en matière de logement notamment, ce principe économique de base ne s’applique pas. En effet, en l’absence de pénurie réelle de logement, les prix des loyers devraient être stables, voire diminuer, et non pas – comme c’est le cas depuis plus de 20 ans – augmenter plus rapidement que l’index.

On peut raisonnablement attribuer ce phénomène à quatre raisons essentielles : 1) un manque criant de logements sociaux ; 2) le fait que les bailleurs peuvent fixer librement les loyers comme bon leur semble ; 3) une taxation immobilière douce et non proportionnelle aux loyers perçus ; 4) la rétention délibérée, à des fins spéculatives, d’une partie du parc locatif privé3 (20 000 logements vides rien qu’à Bruxelles !).

Des mesures très simples

Pour toutes ces raisons, une action politique visant la régulation du marché locatif privé est non seulement possible, mais indispensable à l’avènement d’un droit à l’habitat pour toutes les classes sociales, y compris les plus faibles. Comment ? Par des mesures législatives très simples et qui peuvent être contrôlées en permanence par les locataires :

1) La fixation d’un loyer de base pour tout bien mis en location. Ce loyer de base peut être modifié à la hausse dans le cas d’un investissement important effectué par le bailleur, ou à la baisse sans devoir invoquer de motif particulier. Mais hormis ces cas, ce loyer de base ne peut varier. Il sert de référence perpétuelle à l’indexation annuelle du loyer, pendant toutes les périodes où le bien est mis en location, même – et surtout – en cas de changement de locataire.

2) La fixation du loyer de base en fonction de critères objectifs : taille et état du bien, etc. Faute d’accord entre les parties, le loyer de base correspond au montant du revenu cadastral du bien en question, à ma connaissance le seul critère aujourd’hui admis par toutes les parties.

3) La mise sur le marché de tous les biens immobiliers vides. Les sociétés de logement social, les communes ou toute autre organisation d’intérêt social peuvent, via un bail emphytéotique4, prendre possession d’un bien vide (moyennant des précautions garantissant au propriétaire qu’il ne sera pas spolié), le rénover si nécessaire et le donner en location à un ménage à petit revenu (c’est-à-dire un revenu ne dépassant pas le revenu médian de la commune, de la province,… où le bien est situé).

4) Dans le cadre d’un marché régulé – et uniquement dans ce cadre-là –, l’instauration d’une allocation loyer généralisée couvrant la différence entre le loyer réclamé et le quart des revenus du locataire.

5) La socialisation de tous les logements publics. En dehors du logement social – qui se caractérise par une fixation rationnelle des loyers, tenant compte des revenus des locataires –, il existe un parc immobilier public qui échappe en grande partie à une fixation objective et sociale des loyers. Ce parc immobilier est, en dépit du fait de son appartenance aux pouvoirs publics, régi par les lois du marché privé. Alors qu’il devrait être proposé aux plus faibles, il est offert à des catégories de revenus qui, en théorie, pourraient se passer de cette aide. Dès lors, tout en sauvegardant les droits des locataires actuels, toute nouvelle attribution d’un logement public devrait être réservée à des locataires dont les revenus ne dépassent pas ceux qui permettent d’accéder au logement social.

6) Un permis locatif obligatoire avant toute nouvelle mise en location. L’assainissement généralisé des logements n’aura pas lieu sans un permis locatif préalable à toute mise en location. Celle-ci devra être précédée d’un examen technique du logement et ce dernier ne pourra être loué que si le service régional compétent donne son autorisation. Dans le cas contraire, le bailleur ne pourra mettre le logement en location qu’après avoir effectué les travaux de mise en conformité.

7) Pas d’expulsion sans relogement. Cette mesure est essentielle dans une société dite évoluée comme la nôtre. La jurisprudence consacrant ce principe commence à se multiplier. En effet, il a été jugé, il y peu, que l’expulsion était contraire à la dignité humaine et à l’équité, principes fondamentaux consacrés par la Convention européenne des droits de l’Homme et par notre Constitution. Ainsi, une première mesure à prendre sans délai sera de soumettre toute exécution d’une expulsion à l’autorisation d’une autorité politique (en France, le préfet ; en Belgique, le bourgmestre ou le gouverneur).

8) En cas d’accord du locataire, le Syndicat des locataires doit pouvoir
assister le locataire devant la justice, et cela quel que soit le degré juridictionnel. Assister ne veut pas dire représenter, mais être présent et aider le locataire à se défendre.

9) La réaffectation des bureaux vides en logements, notamment en logements sociaux.

Toutes ces mesures sont intégralement réalisables sans craindre un effondrement du secteur locatif. Elles sont facilement applicables et, cerise sur le gâteau, elles sont adaptées (une fois n’est pas coutume) à un environnement où les bailleurs sont dans l’impossibilité de délocaliser leurs biens !

À la suite de la régionalisation totale de la politique du logement, les Régions sont aujourd’hui, à 99,9 %, compétentes en la matière. Les candidat∙e∙s aux élections régionales ne pourront, dès lors, pas faire l’économie d’un grand débat à ce sujet, et plus particulièrement à propos du secteur où se produisent 82 % des rapports locatifs : le logement privé.

1 Crise du logement : la problématique du logement subie de plein fouet par les locataires est reconnue par tous, y compris par les bailleurs, mais les politiques n’ont qu’une très faible marge de manœuvre car cette crise est essentiellement due à une pénurie de logements. Krise du logement (c’est notre thèse) : même analyse que celle reprise ci-dessus, mais sans pénurie de logements. Cette position met les politiques devant leurs responsabilités : soit réguler le marché existant, soit le laisser se réguler lui-même. Comme tout le monde le sait, un marché non régulé n’a jamais résolu les problèmes qu’il engendre. Si vous connaissez des exemples concrets inverses, n’hésitez pas à me les communiquer…

4 Bail qui transfère au locataire tous les droits du propriétaire, sauf le droit de cession, pour une longue durée, pouvant aller jusqu’à 99 ans (NDLR).