Retour aux articles →

Société civile, force et déclin des « piliers »

Cet été, la formation du nouveau gouvernement wallon a vu (ré)apparaître la société civile comme un acteur important du champ politique.
Objet mal identifiable de par sa diversité, la société civile est généralement décrite comme l’organisation des citoyens en dehors de l’État, de la sphère politique et du pouvoir économique. En Belgique, elle possède une certaine marge d’autonomie vis-à-vis du pouvoir et ce malgré un financement de ses activités fortement dépendant de subventions publiques.
On loue souvent sa vitalité, certains épisodes récents semblant accréditer la chose : forte mobilisation contre le Ceta, efficacité de la plate-forme citoyenne d’hébergement des migrant·e·s, grandes marches pour le climat… On pose régulièrement l’hypothèse qu’elle n’est pas pour rien dans l’inconsistance des scores électoraux de l’extrême droite à Bruxelles et en Wallonie. Alors, comment définir cette société civile ? Comment et peut-on vraiment délimiter sa sphère ? Aussi, quelle représentativité lui donner ?
Autre question : comment cette société civile se structure-t-elle ? Que dire des piliers par exemple, qui font inévitablement partie de l’équation ? Font-ils encore sens en 2019 ? La cohérence de l’Action commune socialiste apparaît encore malgré des tensions. Que se passe-t-il du côté chrétien ? Ces piliers peuvent-ils « survivre » à l’affaissement de la démocratie-chrétienne et à l’affaiblissement de la social-démocratie comme forces politiques majeures ? Enfin, quels liens et quelle relation avec le monde politique ? La consultation de la société civile par ce dernier est-elle suffisante ? Dans quelle mesure répond-elle aux demandes de celle-ci ? D’un autre côté, la société civile ne risque-t-elle pas de perdre son autonomie à trop vouloir rentrer dans un système de concertation avec le politique ? Existe-t-il une société civile viable sans subventionnement ?

PARTIS ET SOCIÉTÉ CIVILE

Dans un article de cadrage terminologique, Caroline Van Wynsberghe cerne le champ de définition et l’histoire de la société civile.
Viennent quatre regards sur les liens entre partis politiques et société civile. Un premier sur l’Action commune socialiste pour décrire, avec Philippe Buchez, ses mythes et réalités. Un deuxième, par Benjamin Biard, sur les rapports que les deux partis chrétiens du pays entretiennent avec les organisations de leur pilier.
Enfin, deux rencontres avec des acteurs. L’une avec Patrick Dupriez, pour nous expliquer sa vision des rapports entre Ecolo et la société civile. L’autre avec François De Smet, président fraîchement élu de Défi, pour réfléchir aux nouveaux enjeux politiques que pose notre époque sur ces rapports.

MOBILISATIONS
Focus sur quelques campagnes, organisations, initiatives originales.
Brieuc Wathelet narre l’histoire de Tam-Tam, une initiative qui, pendant 18 mois, a coalisé syndicats, mouvement climatique et d’autres acteurs de la société civile dont les gilets jaunes contre les gouvernements Michel.
Nicolas Van Nuffel retrace, de sa naissance il y a dix ans à son apogée actuelle via ses grandes marches et sa reconnaissance publique, l’histoire de la Coalition climat.
Pierre Verbeeren nous parle d’un nouvel arrivé, LaCoordination.org – Fabrique de solutions, qui regroupe une vingtaine d’associations et d’individualités dans le but de « favoriser au sein de la société civile une dynamique de collaboration ouverte, concrète, positive audacieuse et joyeuse ».
Retour sur un mouvement qui a abouti à (re) faire connaître la Wallonie dans le monde entier : Michel Cermak nous raconte sa vision du mouvement anti-Ceta de lutte contre un accord commercial bilatéral de libre échange entre l’Union européenne et le Canada.
Enfin, Christoph Niessen, Gilbert Küpper et Min Reuchamps nous font découvrir une initiative inédite au niveau mondial : le dialogue citoyen permanent en Communauté germanophone, un dispositif de délibération citoyenne qui fonctionne au côté d’un parlement élu.

TERRAINS
Les piliers sont-ils toujours bien présents ou au contraire en voie de disparition en Belgique ? Des nouveaux voient-ils le jour alors que d’anciens s’estompent ? S’il y a évolution avec le temps, le milieu de l’enseignement reste marqué par la pilarisation, nous explique Caroline Sägesser. De son côté, Séverine Acerbis confirme l’influence des piliers sur les politiques d’éducation… alors même que les parents d’élèves accordent peu d’importance à ces derniers dans leurs choix éducatifs.
Qu’en est-il du mouvement laïque, que l’absence de loi de séparation entre Églises et État en Belgique aide à se maintenir ? Pour David Koussens, la pluralité de ce mouvement lui permet de s’adapter face à la « laïcité à la carte » de sa base.
L’existence et le fonctionnement d’organisations permettant de vivre sa vie dans un environnement peuplé de personnes de même culture ou de même conviction religieuse vaut-elle aussi pour le milieu gay ? Au point de l’assimiler à un pilier ? Éclairage avec Didier Diesenhaus. (Pour ce qui est de la « communauté » musulmane, Corinne Torrekens nous explique brièvement – en encadré – pourquoi parler de l’existence d’un pilier musulman à part entière serait un abus de langage.)
France Blanmailland montre que la magistrature est elle aussi touchée par la pilarisation, puis tente de désamorcer la question polémique de la politisation de la justice.
Enfin, de Flandre, Els Hertogen offre un plaidoyer en faveur du middenveld. Sur base d’exemples, elle pointe son utilité dans la lutte contre les inégalités et cible aussi les attaques dont elle est victime.

Ce dossier a été coordonné par François Perl, Caroline Sägesser et Caroline Van Wynsberghe.