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« Transformer cette crise en un mouvement social »

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Les lieux culturels ont tout particulièrement souffert de la crise sanitaire. De cette réalité compliquée est né le mouvement StillStanding qui rassemble les travailleurs et les travailleuses de la culture pour mener des actions collectives, notamment de désobéissance civile. Entretien croisé.

Cet article a paru dans le n°117 de Politique (septembre 2021). Nous le publions suite à la décision – controversée – prise par le comité de concertation du 22 décembre de fermer la culture face à la vague du variant Omicron. 

Durant la crise sanitaire, la culture a longtemps été désignée comme non essentielle. Comment analysez-vous cette appréciation ?

GWEN BREËS : D’abord, il faut dire que ce n’est pas uniquement la Belgique qui a procédé de cette manière avec la culture. Très peu de pays ont montré de la considération pour les lieux culturels, comme l’ont fait l’Espagne et le Luxembourg. La grande majorité des autres pays européens ont joué de la même manière avec la culture, en la mettant tout en bas de l’échelle de valeurs. Les lieux culturels étaient les premiers à fermer et les derniers à ouvrir. Cela dit quelque chose d’assez profond sur nos sociétés. Au-delà de la culture, les secteurs – même si cette notion elle-même est problématique – qui sont restés les plus longtemps fermés et vont payer le plus lourd tribut de cette crise sont des secteurs qui ne sont pas dans une économie financiarisée. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas de l’économie, mais ce n’est pas l’économie mise en avant durant cette crise. Je pense qu’à un moment les gouvernements ne savent plus, ou ne veulent plus, mettre un cadre strict aux entreprises et multinationales. On a réduit alors les contacts sociaux à certains endroits, et pas à d’autres. La question du lobbying se pose aussi : à chaque décision du gouvernement, il y a un lobbying assez puissant qui s’exerce alors que le lobby de la culture, lui, ne pèse rien.

Quelles conséquences a eu cette décision sur les travailleurs et travailleuses de la culture ?

SÉBASTIEN DEMEFFE : D’un côté, il y a des conséquences économiques, d’un point de vue pragmatique : le besoin d’argent pour vivre. Dans le milieu culturel, nombreux sont les pigistes, statuts précaires et rémunérations bricolées. Ce sont autant de personnes qui se sont retrouvées sur la touche, avec un salaire amoindri ou absent, et qui vivent dans une précarité imprévue. On connait des gens qui ont vécu une dégringolade : ils étaient régisseurs de spectacle et, en un mois, ont émargé au CPAS. Il y a également des lourdes conséquences psychologiques. La culture est déjà un secteur qui nécessite beaucoup de motivation et d’autodiscipline. Il faut en permanence recréer du sens. Et là, le sens a disparu. Pour réamorcer cette pompe créative mais aussi organisationnelle, pour retrouver notre énergie et notre curiosité, cela prendra du temps. J’ai rejoint le mouvement StillStanding via le centre culturel autogéré de Liège, le Cercle du Laveu, et c’est avec ce prisme-là, celui des plus petits lieux culturels, que j’analyse les règles imposées pendant la crise. On constate déjà combien il est compliqué de remotiver l’équipe de bénévoles qui y travaillent. Les lieux culturels rouvrent avec une grande incertitude et toujours avec le même déni de la place que peut prendre la culture dans un déconfinement. Et puis, de quelle culture parle-t-on ? On donne à nouveau la priorité aux grands événements et à ce qui est le plus économiquement valorisable, c’est un nouveau coup de massue. Pour moi, l’impact va perdurer. On va retravailler et reprogrammer mais reste cette perte de sens. Sans compter qu’il existe désormais un embouteillage de tous les projets qui n’ont pas été présentés pendant la pandémie. Cet embouteillage est estimé à deux ou trois ans au niveau de la diffusion, et ce alors que de nombreux lieux ne passeront pas le cap des prochaines années. Nous avons donc plus de projets à présenter et bientôt moins de lieux où les diffuser, la rivalité sera plus grande. On peut déjà pressentir les mécanismes : les plus grosses productions vont écraser les plus petites et les invisibiliser.

VÉRONIQUE DOCKX : Pour rebondir sur ces propos, c’est la diversité qui va être frappée de plein fouet. Nous défendons une culture plurielle et diverse. La précarité frappait déjà les artistes avant le confinement, mais elle a explosé. Cela signifie ne plus pouvoir s’alimenter, nourrir ses enfants, etc. Par rapport aux conséquences économiques, c’est aussi dramatique pour les étudiant·es en arts, ceux et celles qui sortent de l’école. Cela prenait déjà plusieurs années avant d’obtenir le statut d’artiste mais là tout est reporté, on ne peut plus justifier de recevoir le statut puisqu’on n’a pas eu de travail.

GWEN BREËS : Ceux qui ont le statut d’artiste ne constituent qu’une infime partie des personnes qui travaillent dans la culture. Certains, n’ayant aucune forme de protection sociale de par leur métier, se sont dirigés vers d’autres métiers. Il risque d’y avoir une pénurie de savoirs et de personnes. Pour revenir sur la notion de secteur, cela rassemble tout un tas de réalités très différentes. On dit « la culture était fermée », mais pendant tout un temps, les musées sont restés ouverts. Et il y a bien eu des aides financières, mais elles ont été données aux lieux et pas aux artistes, aux travailleurs et travailleuses. Une autre conséquence, plus pernicieuse, c’est la direction qui est prise vers le streaming et vers des formes numériques de consommation culturelle, dans lesquelles, bien sûr, l’industrie s’est engouffrée depuis un an et demi. On a commencé à se rendre compte que des pouvoirs publics, pensant bien faire et dans l’urgence, conditionnent les subventions au maintien des activités à leur forme numérique. C’est un déplacement dangereux, dont on ne mesure pas encore les effets. Comment ces habitudes vont-elles s’inscrire à long terme auprès du public et avec quels effets économiques, sociaux, voire même psychologiques ?

La ministre de la Culture en Fédération Wallonie-Bruxelles, Bénédicte Linard (Ecolo), se félicite de la reprise culturelle et avance fréquemment les chiffres des aides financières accordées à la culture, pour un montant de 84 millions d’aides ponctuelles et 16 millions de soutiens structurels.

GWEN BREËS : On nous a effectivement tenu ce discours : « Vous êtes financés donc tout va bien ». Il y a cette idée que, puisqu’on nous a donné de l’argent alors que nous n’étions pas essentiel·les, on doit se taire et s’en contenter. C’est grave. Avec la lasagne institutionnelle belge, la décision de fermer certains secteurs revient au fédéral, ou en tout cas au Comité de concertation. D’octobre 2020 à juin 2021, les lieux culturels ont donc été fermés. Il faudrait calculer toutes les sommes accordées par d’autres niveaux de pouvoirs, en l’occurrence les Communautés également, pour maintenir à flot l’existence de ces lieux qui ont été fermés sans aucune raison sanitaire. Un pouvoir public a pris cette décision arbitrairement et cela coûte une masse d’argent à un autre pouvoir public. À la fin, c’est quand même le contribuable qui paiera cet argent qui est sorti par les fenêtres de façon inutile et qui nous sera renvoyé à la figure dans les prochains mois.

La fermeture des lieux culturels a pourtant été présentée comme une manière de se protéger, d’éviter les contacts sociaux, en plein milieu d’une pandémie.

SÉBASTIEN DEMEFFE : S’il y a des protocoles qui s’appliquent à certaines activités, ils peuvent s’appliquer à d’autres. Il n’y a pas de raisons de permettre des files interminables dans des grandes chaines de distribution où tout le monde se déplace et interdire d’ouvrir une salle de cinéma où tout le monde reste fixe et où les distances entre les spectateurs peuvent être gérés facilement. Il n’y a aucun raison objective que cela soit plus compliqué d’un côté que de l’autre. Ça demande des protocoles adaptés mais cela ne justifie pas la fermeture. Toute une série d’études dans des lieux culturels ont montré très tôt qu’il n’y avait pas de risque particulier de créer des contaminations massives dans des salles de spectacles. Les études étaient disponibles et les pouvoirs publics ont fermé les yeux sur ces données-là. De manière ironique, ils ont voulu créer leurs propres expériences de spectacles-tests lors du déconfinement pour en tirer les mêmes conclusions ! C’est en ce sens que nous considérons que ces règles étaient injustes.

VÉRONIQUE DOCKX : La culture avait mis sur pied des protocoles de sécurité, et ils étaient bien appliqués. On était plus en sécurité dans un lieu culturel que dans d’autres endroits, comme les transports en commun. C’était surréaliste d’être collée aux autres dans les transports en commun pendant les heures de pointe ! Certains trajets peuvent durer une heure, c’est-à-dire presque le temps d’un spectacle. C’est vraiment interpellant.

GWEN BREËS : Les lieux culturels ont été ouverts du 1er juillet au 25 octobre 2020, il n’y a jamais eu aucune contamination massive. Le Codeco a dit en conférence de presse qu’il s’agissait de lieux sûrs et que les protocoles l’étaient également. Une semaine après, on nous a fermés. Deux mois plus tard, vers décembre 2020, nous nous rendons compte que les mots « culture » ou « lieu culturel » ont complètement disparu du discours politique ou des préoccupations. Il n’y a pas de volonté de chercher à les rouvrir, alors que la première étude allemande, fort médiatisée, démontrant qu’il n’y a pas de danger de contamination dans les lieux culturels date de février 2021[1. A. Danhier, « Les lieux culturels sont les lieux publics où le risque de contamination est le plus faible, selon une étude allemande », rtbf.be, 15 avril 2021.]. La culture n’a pu rouvrir qu’en juin 2021. Il faut rappeler que tous ces éléments d’information sont disponibles depuis longtemps. On sent bien que ce sont des décisions politiques et pas sanitaires.

Face à cette situation, le mouvement StillStanding se crée. Pouvez-vous expliquer son histoire ?

GWEN BREËS : Le mouvement est né en juin 2020, à l’intérieur d’un groupe de travail regroupant différentes fédérations artistiques qui voulaient organiser une action. La première s’est déroulée le 25 juin 2020 dans onze villes belges. C’était une action immobile dans laquelle étaient représentés tous les métiers qui étaient mis à l’arrêt. Ce qui est pointé à l’époque, c’est le problème de la protection sociale. Dans le même temps, les fédérations se sont rapprochées, ce qui a mené à la création de l’Upact, une fédération des fédérations artistiques pour essayer de parler d’une même voix afin de protéger les travailleurs et les travailleuses durant la crise mais aussi dans le processus de réforme du statut d’artiste. Ensuite, il y a différentes cartes blanches, dont celle du cinéma Nova[2. « La culture n’est pas une variable
d’ajustement ! », Le Soir, 21 décembre 2020.] et via les signataires de cette carte blanche, nous avons rencontré d’autres personnes qui avaient envie de mener des actions. Une deuxième action a eu lieu le 16 janvier 2021. Il s’agissait alors de reparler de la culture dans un moment où elle avait disparu des radars. Le 20 février et le 13 mars 2021, les actions suivantes étaient des appels à actions dans l’espace public. Et la cinquième action a été la réouverture pendant une semaine de 130 lieux, entre le 30 avril et le 8 mai.

Comment le mouvement s’organise-t-il en interne ?

SÉBASTIEN DEMEFFE : Suite à cette carte blanche, que nous avons cosignée, on s’est mobilisé aussi pour appeler à l’action et décentraliser les actions. Nous avons commencé à organiser des réunions virtuelles de plus en plus régulières avec de nombreux lieux, artistes, groupes, subventionnés ou non, marginaux ou pas. Toutes sortes de profils étaient représentés, ce qui a permis de ne pas défendre seulement une partie de la culture. Cette diversité a été très riche pour garder la tête hors de l’eau et ne pas essayer de tirer la couverture dans un seul sens. À chaque étape, on devait décider jusqu’où on allait, jusqu’où on suivait les règles qui contraignaient nos actions. Il y a un énorme travail de communication, de partage de nos intentions. On s’est aussi rassurés à propos des conséquences que pouvaient avoir nos actions sur nos activités, sur nos lieux et aussi sur le public qui était invité. Après chaque étape, on faisait la synthèse et on tirait des enseignements. Les liens entre personnes et lieux se sont renforcés, à travers une mise en réseau. On n’a jamais autant travaillé avec des partenaires ! Cela a été très important, chaque action, chaque rencontre, même informelle, venait consolider ce qu’il s’était passé virtuellement. Il faut aussi dire qu’à l’intérieur des structures, les équipes, les assemblées générales, les conseils d’administration, les individus ne vivent pas les règles de la même manière. Pour se mobiliser en interne dans les structures et faire percoler un sentiment de confiance et de légitimité, il était important de construire un mouvement avec des informations claires sur quelle personne s’occupait de quoi et sur les risques que l’on prenait.

GWEN BREËS : Il y a un groupe de coordination, dont je fais partie, qui, en un an, a beaucoup fluctué. Au début, le mouvement était fort lié aux fédérations. Ce lien existe toujours mais StillStanding s’est depuis autonomisé. Par ailleurs, surtout à partir de l’action de février, plus de groupes locaux ont participé à la coordination pour une ville ou une région. Il y a une troisième dimension qui est apparue et qui nous a échappé, pour le meilleur comme le pire, c’est que StillStanding est devenu une sorte d’étendard, un hashtag qui a été fort utilisé. On a vu des gens vendre des t-shirts StillStanding ! C’est la notion de mouvement, les gens se sont largement appropriés le nom. C’est peut-être aussi dû au fait que des actions très différentes ont été menées sous la bannière StillStanding, comme celle du 20 février à Bruxelles, organisée par Charleroi Danse, où, tout à coup, des danseuses et des danseurs, puis une centaine de personnes se sont mises à danser ensemble. Rien que cette image-là n’est pas vraiment celle de StillStanding. On avait choisi le 20 février parce que c’est la Journée de la justice sociale. La confusion autour des revendications a été très forte à ce moment-là. Fin mars aussi, après la Boum[3. Grand rassemblement appelant à la fête qui s’est tenu le 1er avril 2021 dans le Bois de la Cambre (Bruxelles) et a été chargé par la police bruxelloise. (NDLR)] et le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles suite à la procédure introduite par la Ligue des droits humains[4. Le 31 mars 2021, le tribunal de première instance de Bruxelles a ordonné à l’État de mettre fin aux mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la pandémie.], beaucoup de gens ont pensé que toutes les mesures prises durant la crise sanitaire étaient illégales, ce qui n’est pas le cas. Il y a eu de la confusion autour de la notion de liberté, par exemple. StillStanding était à ce moment-là un mouvement parmi d’autres qui a été fort sollicité par ceux qui souhaitaient surtout défendre des libertés individuelles plutôt que des libertés collectives ou des principes de solidarité et d’égalité. C’était compliqué de naviguer dans cette période-là, tout en cherchant à faire des alliances mais pas n’importe lesquelles, et en tenant un discours qui dénonce les inégalités.

Vous parlez des risques pris par les lieux culturels lors de votre dernière action, pouvez-vous expliquer lesquels et comment cela s’est passé ?

VÉRONIQUE DOCKX : Je me souviens que quand Gwen m’a contactée pour me demander ce qu’on pouvait dire aux lieux culturels à propos des risques de cette action, lors de laquelle des lieux ont rouverts malgré l’interdiction qui leur était faite, j’ai répondu que c’était une question à laquelle il est presque impossible de répondre parce qu’on est dans une période sombre, où tout ce qui fait l’essence du droit se délite malheureusement et c’est difficile à vivre pour quelqu’un qui est spécialiste du droit. Le droit fixe un cadre de vie collective et fixe un cadre aux décisions politiques, il y a des dispositions fondamentales qui visent à éviter l’arbitraire, à éviter la confiscation du pouvoir par l’un des pouvoirs, l’exécutif pour ne pas le citer. Le droit doit fonctionner comme un rempart contre l’abus de pouvoir, contre ce qu’on appelle le fait du Prince. Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent l’arbitraire. Or, grâce au soutien juridique que nous apportons aux lieux culturels, nous observons que la plupart de ces lieux n’ont pas eu de problème. Aux Halles de Schaerbeek, 200 personnes étaient présentes pendant 8 jours. Des magistrats sont même venus sur place. Cela montre qu’entre le discours politique et la réalité, il y a un gouffre. Quelques lieux cependant ont rencontré des problèmes. Cela pose cette question de l’arbitraire, qui ne devrait pas exister. Dans l’affaire de l’artiste Quentin Dujardin, guitariste qui s’était vu interdire de se produire en public, la Cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 27 avril a bien stipulé qu’on ne peut pas traiter différemment des catégories de personnes s’il n’y a pas de raison légitime, c’est-à-dire documentée, et qu’il doit y avoir un examen de la proportionnalité, ce qui n’a pas été le cas. On en arrive donc à devoir aller devant des cours et des tribunaux pour faire respecter des droits basiques. C’est un gros problème en termes de responsabilité politique. Et cela ne fait que commencer d’après moi, parce qu’on ne peut pas vraiment parler d’une réouverture culturelle, au vu des conditions qui sont imposées. Même Tomorrowland a été interdit par les bourgmestres des deux communes où le festival devait avoir lieu.

SÉBASTIEN DEMEFFE : Je n’avais jamais formulé clairement la question qui m’a le plus occupé cette année : est-ce que c’est le droit qui encadre la démocratie ou la démocratie qui encadre le droit ? Quel est le garde-fou ? L’expérience que nous avons vécue nous montre que le droit n’est pas du tout garant de la démocratie. Ce qui m’a motivé dans StillStanding, c’est le fait de recréer du débat public en parallèle à ce discours monolithique sur la façon de vivre cette crise. C’était indispensable et c’était le seul rempart à des lois bafouées dont la technicité m’échappe. Le fait que je ne me sente plus protégé par ce dispositif légal est devenu très clair. C’est cela qui m’a mobilisé et qui me mobilise encore, car, non, ce n’est pas fini. Il ne suffit pas de dire que, dans un mois, la jauge des spectateurs sera plus grande. On sent que cela peut se reproduire de la même manière à la prochaine occasion. Il y a donc encore du travail, en essayant de nous lier à d’autres mouvement qui veulent défendre des droits communs. Nous nous sommes associé·es avec La Santé en lutte[5. La Santé en lutte est un collectif qui rassemble le personnel des soins de santé, pour des plus justes conditions de travail. Le collectif a été fort actif durant la crise sanitaire.] pour leurs manifestations. Le grand enjeu, ce sera de transformer cette crise en un mouvement social, et pas en guerre de secteur, où tout le monde voudrait du refinancement et dire à quel point il a été malmené. On a tous et toutes été malmené·es ! C’est un enjeu de société et pas de secteur.

Quel futur pour StillStanding ?

GWEN BREËS : Durant cette crise, on était isolé·es, on ne pouvait plus manifester, ni aller à des colloques, on ne pouvait plus réfléchir ensemble. Le futur de StillStanding se trouve dans le fait de se réunir et de créer du lien, même si les activités reprennent. Car c’est là qu’est le danger : que chacun retourne dans ses activités le nez dans le guidon, avec des protocoles et des jauges qui vont changer dix-huit fois. Si on prend du recul, on continue à observer des choses problématiques. Nous sommes déjà dans une crise démocratique, sociale et économique, dans laquelle la même hiérarchie de valeurs va se reproduire. Nous gardons cette vigilance, aidé·es par le fait que nous sommes des personnes différentes, non liées à des groupes sectoriels ou corporatistes. C’est ce qui se dessine pour les prochains mois.

Entretien réalisé par Camille Wernaers le 18 juin 2021.