Retour aux articles →

Un féminisme au service de l’islamophobie

Ce débat dominical Mise au Point (RTBF) : le libéral Louis Michel discourant sur le fut une des scènes mémorables – bien que peu relevées – de l’émission de cette « valeur fondamentale » de notre société qu’est l’égalité entre hommes et femmes. Cela sur un plateau exclusivement composé d’hommes, à l’exception d’une invitée… une femme voilée.

Une mise en scène destinée à dénoncer l’hypocrisie de nos tout récents défenseurs des droits des femmes n’aurait pu mieux faire.

Inégalités de salaires, violences conjugales, harcèlement de rue, non partage des tâches domestiques… Ne croyez pas trouver là des signes de domination masculine, méritant une quelconque mobilisation. Non, la plus grande menace contre l’émancipation des femmes, sinon la seule, ce serait le voile des musulmanes.

Car non seulement le péril vient « d’ailleurs », mais ce n’est pas de n’importe où. On n’entend guère d’indignations sur le sort des femmes dans les communautés juives orthodoxe, chinoise ou africaine… Non, les femmes ne seraient vraiment malmenées qu’en islam. Et c’est ainsi qu’une certaine idée du féminisme est brandie au service de l’islamophobie.

Le sort des femmes peut ainsi servir à justifier la guerre (comme en Afghanistan), les « bienfaits » du colonialisme ou encore la stigmatisation des hommes maghrébins, dont toute manifestation sexiste est interprétée en terme de
« culture », alors qu’un même comportement de la part de garçons bien de chez nous relèverait d’une forme de déviance individuelle.

Attribuer l’ensemble des inégalités aux « autres » a un double avantage : d’une part s’assurer la tranquillité de ne rien devoir changer chez soi, d’autre part confirmer la supériorité de « notre » culture sur celle des autres. Et l’on peut ainsi pérorer sur l’égalité femmes-hommes comme une des valeurs fondamentales de nos sociétés, y compris dans des cercles où les femmes sont ultra-minoritaires, sinon carrément absentes. Et ne voir les femmes musulmanes voilées que comme des « victimes » à libérer de gré ou de force, et jamais comme les actrices de

leur propre émancipation. Pire encore : sous prétexte de les « protéger », on leur rend plus difficile l’accès aux outils de cette émancipation que sont l’éducation
et l’indépendance économique par le travail. En leur fermant les portes de nos écoles et de nos entreprises, on les renvoie vers ce « communautarisme » qu’on ne manquera pas, ensuite, de leur reprocher. Il est navrant que des féministes – et pas seulement de pacotille – participent à ce jeu-là.