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Une concertation sans les acteurs concernés

© João Matos/WOSM
28 janvier 2021 : le comité de concertation rouvre le secteur des activités extrascolaires pour adolescents, sans concertation avec les acteurs de terrain.

Ce texte de la “chronique politologique” a paru dans notre n°115 (avril 2021).

La gestion de la crise sanitaire a été cataclysmique, écrivait Maryam Benayad dans sa dernière chronique[1.M. Benayad, « Pourquoi les fake news ont aussi bonne presse ? », Politique, n° 114, décembre 2020.]. On ne peut néanmoins pas dire que la Belgique brillait auparavant par l’efficacité et la transparence de ses décisions. Pourtant, on semble avoir atteint des sommets de complexité. Il faut évidemment relativiser en soulignant qu’on est un des rares pays d’Europe occidentale où les écoles sont ouvertes. De cancre, nous sommes passés à un meilleur rang, nous permettant d’assouplir légèrement nos restrictions, notamment en permettant aux adolescents de retrouver une (seule) activité parascolaire.

Il est trop tôt pour faire un bilan, même si des commissions parlementaires s’y attellent, mais on peut d’ores et déjà oublier tout ce que j’ai précédemment pu écrire dans Politique à propos de la prise de décision et de l’articulation entre le politique et la société civile. Avec cette pandémie, les cartes ont été rebattues en toute discrétion ou par défaut peut-être. Des constitutionnalistes et politologues ont souligné la faiblesse démocratique du dispositif actuel : pouvoirs spéciaux, mesures prises par arrêtés… On peut ergoter sur l’absence de débat au Parlement : finalement, quelle différence entre un vote cadenassé majorité contre opposition et pas de débat du tout ? Ce sont évidemment des questions essentielles, mais elles ne s’intéressent pas au véritable lieu de la décision et aux acteurs de celle-ci.

Ce qui est frappant dans la décision d’ouvrir les activités des adolescents (en restreignant celles des enfants), c’est l’apparente absence de concertation avec les premiers concernés. Les mouvements de jeunesse, les clubs de sport, les associations organisant des activités parascolaires sont autant de relais qui auraient pu (dû ?) proposer un plan de déconfinement, même très partiel. S’agissant des acteurs de terrain, ils peuvent dire ce qui est faisable en fonction des contraintes particulières. Les consulter, comme cela se fait dans d’autres circonstances, aurait probablement permis de compter sur leur soutien, mais aussi d’éviter certains couacs de communication, pour le dire gentiment, puisqu’aucune communication officielle n’a été faite.

La détresse des adolescents a été gérée par un comité de concertation (Codeco) extraordinaire. En effet, le sujet n’était pas à l’ordre du jour du précédent Codeco organisé quelques jours auparavant, comme s’il n’était alors pas pertinent. Il a fallu que cette problématique apparaisse à l’agenda médiatique pour finalement organiser un Codeco électronique, sans conférence de presse, puisque – parait-il – tout était déjà sorti dans les médias.

Déconfiner les adolescents n’aurait pas dû relever de la gestion de crise. Le problème existe depuis quasiment un an, ce qui laissait le temps aux cabinets ministériels et aux organisations concernées, dites « de la société civile », de préparer des propositions et de se rencontrer, afin de s’accorder sur des paliers permettant la suppression de certaines restrictions.

Plus globalement, la crise sanitaire semble avoir pétrifié les décideurs et gelé les processus habituels de prise de décision et de consultations sectorielles en amont, alors qu’on aurait, au contraire, eu besoin d’une meilleure concertation avec les acteurs de terrain.

(Image dans la vignette et l’article sous CC BY-NC-ND 2.0 ; photographie prise lors du 23e World Scout au Japon en 2015 par João Matos.)