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Vitalité démocratique en temps de pandémie

Il y a plus d’un an, nous expérimentions le vote des pouvoirs spéciaux à tous les étages de la Belgique fédérale (à l’exception notable de la Flandre) et les premières mesures de confinement pour contrer la propagation du coronavirus. L’urgence temporaire de mars 2020 s’est durablement prolongée jusqu’à aujourd’hui. D’arrêtés royaux en arrêtés ministériels, les décisions fédérales suscitent un débat virulent dans la sphère publique et les bulles privées. En principale ligne de mire : les restrictions des libertés et le traitement des données à caractère privé – une matière qui a subi un fameux coup d’accélérateur (et de visibilité) dans le cadre de la lutte contre la pandémie par le développement de bases de données et l’application Coronalert. Par-delà les critiques portant sur la gestion ou la communication du gouvernement, la légitimité de ces mesures est contestée : les choix posés, les objectifs poursuivis, les stratégies mises en place sont-elles débattues par les représentants élus ? Leur légalité est interrogée, jusque devant le Conseil d’État : gouverner par arrêtés sur une base juridique insuffisante relève-t-il encore d’un processus démocratique ?

Ces remises en cause vivifient notre démocratie. Elles questionnent les capacités de notre système à organiser, animer et alimenter un débat démocratique en temps de crise. Elles soulignent combien notre démocratie n’est pas affaire que de processus délibératif ou d’intérêt majoritaire, ramenant au centre du jeu la nécessité d’une confrontation des idées, des arguments, des intérêts notoirement contradictoires et, osons le dire, des passions. Elles alertent sur la centralisation du pouvoir exécutif et l’affaiblissement concomitant du pouvoir législatif, deux tendances de fond, exacerbées par la crise pandémique.

À cet égard, l’avant-projet de loi relative aux mesures de police administrative lors d’une situation épidémique (ou « loi pandémie ») répond-il aux critiques de légitimité et de légalité démocratiques ? Sa principale qualité est d’être soumis à un débat parlementaire, certes. Il permet de discuter, si pas des mesures qui ont été prises – c’est l’objet de la commission spéciale chargée d’examiner la gestion de la crise du Covid-19 –, à tout le moins de la manière dont elles pourraient être décidées à l’avenir. Mais ce texte est démonté par les experts juridiques : incomplet, évasif et, selon l’Autorité de protection des données, intrusif et susceptible d’entrainer de nombreuses dérives.

Faut-il s’en inquiéter ? Assurément. Faut-il désespérer pour autant ?

Alors même que notre démocratie représentative en prend pour son grade de tous côtés de l’échiquier politique, il nous faut rappeler un point essentiel : la démocratie ne se limite pas aux parlements et à nos représentants élus dans le cadre d’élections libres. Et si nous décalions le regard des assemblées parlementaires où nous avons peut-être eu l’habitude de figer la démocratie ?
Les actions des secteurs de l’Horeca et de la culture, les manifestations contre les violences policières, la grève interprofessionnelle FGTB-CSC du 29 mars 2021. C’est aussi cela la démocratie : non pas un étendard qu’on brandit mais une pratique qu’on s’approprie, au quotidien. Et puis surtout une vision collective de la société, à partager. C’est peut-être là qu’il est temps de porter nos efforts démocratiques, du côté des enjeux collectifs et d’une vraie démocratie sociale.