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Vous avez dit crise sanitaire ?

Ecole polytechnique / Le concours
Ecole polytechnique / Le concours © Jeremy Barande
17 novembre 2021 : le comité de concertation réunissant le fédéral et les entités fédérées (Codeco) consacré à la gestion de l’épidémie de covid-19 fait fi de l’urgence sanitaire.
Cet article a paru dans le n°118 de Politique (décembre 2021).

Mercredi 17 novembre, le comité de concertation est avancé de deux jours, la situation sanitaire se détériorant rapidement. Les mesures décidées ne paraissent ni très cohérentes, ni très courageuses, mais contentent tous les participants au Codeco. En-dehors de ce cercle somme toute restreint, certains reprochent aux différents gouvernements de n’avoir pas agi suffisamment rapidement, tandis que d’autres anticipent la suite, craignant que les décisions prises ne suffisent pas et pavent le chemin d’un prochain Codeco qui prendra des mesures plus restrictives. Cela se confirme neuf jours plus tard. Réuni en urgence, le Codeco du 26 novembre serre un peu plus la vis, mais globalement moins que craint, tandis que les Communautés prendront le relai dans les jours qui suivent pour encadrer l’administration de la troisième dose de vaccin ainsi que la circulation du virus dans les écoles et dans l’enseignement supérieur.

En réalité, là où le bât blesse, c’est que la réunion du 17 novembre, tout comme celle du 26 d’ailleurs, n’avait pas d’objectif clair, au contraire des premières séances l’année dernière. Bien sûr, les ministres concernés souhaitent réduire les contaminations et éviter un engorgement des hôpitaux, mais ils doivent également composer avec des pressions diverses : les intérêts des différentes professions qui redémarrent à peine et ne veulent pas fermer, une relative opposition à la politique vaccinale, y compris parmi les soignants et d’autres métiers de contact, l’avis des pédiatres, mais aussi les déclarations des différents[1.L’usage du masculin est délibéré pour souligner la prédominance masculine dans le débat politique.] responsables politiques s’épanchant dans la presse les jours précédents. On notera également que le duo De Croo-Vandenbroucke ne semble plus aussi uni que lorsqu’il a repris les choses en main en octobre 2020 et cela se traduit certainement par une perte d’efficacité. En résumé, il manque un sentiment d’urgence ou de gravité. Cet épisode est géré comme on gère une crise politique classique en Belgique et non pas avec la détermination qu’impose la gestion de crise (sanitaire).

Ces derniers comités de concertation ont été organisés comme une négociation budgétaire ou une réforme institutionnelle, en réalisant des arbitrages entre différentes revendications de nature différente, sans but délibéré si ce n’est celui de sortir avec un compromis plus ou moins acceptable par tous les partis et sans trop d’impact immédiat sur la population, mais semant les germes de la prochaine crise. Entre ces deux Codeco, l’Autriche a mis en place un reconfinement et la vaccination obligatoire, l’Allemagne a pris des mesures plus sévères envers les non-vaccinés, tandis que la Suède a lancé un passeport vaccinal et le Portugal, pays le mieux vacciné d’Europe, a réintroduit des restrictions en prévision des fêtes de fin d’année.

On a largement dépassé les 540 jours de crise sanitaire. Ici, pas de roi à qui faire part de l’évolution des négociations. Pas de démineur ou de formateur. Ce sont les statistiques hospitalières et certains expert·es virologues ou infectiologues qui jouent l’arbitre. Et contrairement à une majorité parlementaire établie le soir même des élections, les chiffres évoluent.

(Image de la vignette et dans l’article sous CC-BY-SA 2.0 ; jeune homme masqué pris en photo en juin 2021 par J .Barande pour l’École Polytechnique de Paris.)