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Coalition miroir : nouvel habit pour vieille formule

Le président du CD&V vient de proposer une idée… déjà ancienne (et exposée dans la revue Politique en 2014 déjà). Pour pallier le blocage de la formation gouvernementale, il suggère de former une majorité qui serait l’adjonction des majorités fédérées, ou plutôt celle des majorités flamande et wallonne, tant pis pour la Région bruxelloise et la Communauté germanophone.

On évoque la «formule magique» suisse, selon laquelle le gouvernement fédéral est formé sans tenir compte des résultats des élections législatives, mais en fonction d’une clef de répartition historique entre les partis les plus anciens. Une observatrice de la politique bruxelloise ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec le mécanisme qui préside à la confection des gouvernements de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC). En effet, les partis bruxellois forment d’abord une majorité dans leurs groupes linguistiques respectifs et avancent sur cette base, avant de mettre en commun leurs positions et, finalement, proposer un accord global. Ainsi, Bruxelles avait formé un gouvernement pour la fête nationale, alors que 6 mois plus tard, on n’en finit pas d’enchaîner les informateurs fédéraux.

Dans la capitale, seule zone officiellement bilingue du pays, le législateur spécial a même prévu l’organisation de la distribution des portefeuilles afin de contourner un blocage éventuel en aval de la formation. La loi spéciale de 1989 répartit ainsi les compétences en des paquets cohérents. Elle organise également l’ordre de distribution entre les différents partis, en fonction de leur poids. Si ces deux procédures ont été pensées et développées, c’est que certains estimaient qu’il fallait prévoir des mécanismes de déblocages, des garde-fous et des (larges) protections de la minorité linguistique (flamande). En d’autres mots, c’est parce que Bruxelles n’était à l’origine pas considérée comme une Région à part entière et que certains responsables politiques n’auraient pas parié sur la sagesse de ses mandataires, qu’on a institutionnalisé ces processus très particuliers.

Indépendamment du fait que la proposition de Joachim Coens nie la réalité fédérale et l’existence des deux « petites » entités fédérées, on peut considérer que l’application d’une telle formule au fédéral signerait d’une certaine manière la fin de la Belgique fédérale. Alors que la RBC a fait preuve, cet été, de maturité en formant rapidement et sans trop de rebondissements un gouvernement, l’application de cette procédure au fédéral consacrerait quant à elle l’immaturité fédérale. Ne nous voilons pas la face, il s’agit certainement du but ultime de certains.

Mettre en œuvre ce dispositif au fédéral permettra tout juste de débloquer cette phase préliminaire de la formation du gouvernement ; ce n’est pas une manière constructive pour travailler à long terme. Au bout du compte, l’accord final – car c’est là que réside l’enjeu – ne pourra porter que sur les matières sur lesquelles les partenaires sont d’accord de travailler ensemble, sans autre ambition. Si c’est pour en arriver là, on peut également imaginer d’autres pistes de déblocage : le tirage au sort des partenaires, prendre les plus grands partis permettant d’obtenir une majorité…