Retour aux articles →

En Flandre, c’est la culture et les médias qu’on assassine

9 NOVEMBRE 2019 : LE GOUVERNEMENT FLAMAND ANNONCE UNE DIMINUTION DE 60 % DES SUBSIDES AU SECTEUR CULTUREL*

L’information a suscité moult réactions, et à juste titre : le nouveau gouvernement flamand a annoncé d’importantes coupures budgétaires dans la Culture. Pour un secteur qui ne représente qu’une toute petite part du budget (1 %), c’est non seulement incompréhensible mais aussi économiquement impertinent. Cela démontre néanmoins tout l’amour que porte le nouvel exécutif pour la Culture, un amour inconditionnel qu’il porte tout autant pour la sphère médiatique, elle aussi victime de quelques « menues » économies.
Le nouveau gouvernement mené par la N-VA s’est en effet attaqué aux médias, une cible qu’il affectionne depuis quelques années, en annonçant la fin des subsides au fonds flamand pour le journalisme, programme créé en 2018 pour soutenir des projets journalistiques innovants. Des subventions ont été accordées en 2018 et puis… plus rien. Du côté du gouvernement, on précise « qu’aucun budget n’a été alloué, ce qui ne signifie pas que le fonds ne sera plus financé ». Quand nous avons voulu savoir si des subsides étaient prévus pour les années à venir, pas de réponse concrète. Sauf une : « Cette histoire est basée sur une fake news »…
Quand un élément ne nous plaît pas, le qualifier de fake news devient assez automatique. Et même symptomatique en fait. Les exemples récents de Donald Trump parlent d’eux-mêmes.
Plus loin encore dans l’Histoire, d’autres ont usé de cette même technique pour dénoncer cette presse qui ne leur plaisait pas, avant de la museler.
Ainsi, Hitler dénonçait la presse comme un vecteur de mensonges, la qualifiant de « Lügenpresse ». Il s’agissait, selon lui, de médias trop « gauchissant », tenu « par les Juifs », un outil qu’il fallait combattre. Goebbels et son ministère de la propagande s’en chargeront d’ailleurs assez vite, emportant, au passage, la question culturelle avec. Là aussi…
Non, je ne fais aucun parallèle entre les décisions prises par Trump, Hitler et le gouvernement flamand.
Non, je n’ai pas qualifié les pratiques des uns et des autres comme étant similaires.
Non, je n’ai pas affirmé que Trump ou le gouvernement flamand avaient des pratiques du régime nazi.
Mais oui, je constate que les populismes ont une cible commune : la culture et les médias.
Et, oui, le travail de sape contre une démocratie commence là où la société ne veut pas le voir, dans ces deux pôles oh combien fondamentaux, mais si peu considérés.
La Culture est pourtant ce qui permet de créer des ponts entre les communautés. L’art, sous toutes ses couleurs, rassemble l’humain dans toute sa diversité. Mais n’est-ce pas, au fond, ce qui pose problème ?
Quant au quatrième pouvoir, ce pilier de la démocratie, le combattre à l’heure où il a mauvaise presse est stratégique et extrêmement cynique. Car, en Flandre, c’est véritablement la Culture qu’on assassine, et les médias avec, dans une forme d’indifférence généralisée.
Oui, des réactions, il y en a eu, mais trop peu. Pourtant, au-delà des salles de théâtre, c’est bien un petit bout de notre humanité qui se voit amputée. Aujourd’hui en Flandre, demain ici, chez nous. Quoique, la Flandre, c’est encore un peu chez nous, la langue de Vondel est tout aussi la nôtre, mais pour combien de temps encore…

* Chronique “médiatique” publiée dans le numéro 110 de décembre 2019.