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La « perspective européenne » de l’Ukraine

23 juin 2022. Les Européens déclarent que l’Ukraine est des leurs et lui accordent le statut de candidat à l’Union européenne.
Cet article a paru dans le n°120 de Politique (septembre 2022).

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné des ailes à l’adhésion de Kiev à l’Union européenne. En juin, le Conseil européen a en effet officiellement accordé à l’Ukraine – et à la Moldavie – le statut de candidat à l’UE, en pleine guerre. Ce statut ouvre la voie aux négociations qui permettront peut-être aux Ukrainiens de devenir des citoyens européens.

Si le statut de candidat a été obtenu en quatre mois, un temps record, ce n’est que le début d’un long processus qui pourrait prendre des années. Pour preuve, la situation des pays des Balkans, dans l’antichambre européenne depuis des années. La Serbie a ainsi obtenu le statut de candidat en 2013 et elle attend toujours, comme la Macédoine du Nord, le Monténégro ou l’Albanie. Et que dire de la Turquie, candidate depuis 1999 ? Mais cette reconnaissance a une portée politique et symbolique importante au moment où le président russe Vladimir Poutine ronge le territoire ukrainien, au prix de nombreuses vies dans les deux camps. À l’issue du sommet, le président du Conseil européen Charles Michel déclarait : « Aujourd’hui, nous avons décidé de reconnaître la perspective européenne de l’Ukraine ».

De nombreux Ukrainiens aspiraient depuis longtemps à ce destin européen. Après la chute de l’URSS et la création d’un État ukrainien indépendant incorporant la Crimée (un don de Khrouchtchev), l’Ukraine s’est cherchée et elle a porté au pouvoir des dirigeants tantôt pro-européens, tantôt pro-russes. Viktor Ianoukovitch, proche de Moscou, est ensuite arrivé à la tête de l’État. Avec lui, l’Ukraine a préféré intégrer l’union douanière russe que signer l’accord d’association en négociation avec l’UE. Sur ce coup-là, Vladimir Poutine a été plus fort.

Et le maître du Kremlin a avancé ses pions en Ukraine, sans que rien puisse l’arrêter : la Crimée a été annexée en 2014 et les séparatistes du Donbass ont bénéficié du soutien de leur grand frère russe. Mais il aura fallu que Poutine envoie ses soldats envahir l’Ukraine pour que l’UE entende réellement l’appel des Ukrainiens, porté lui-aussi par Volodymyr Zelensky, dans son plus grand rôle, celui de président, de chef de guerre infatigable et de communicateur hors pair quand il s’agit de convaincre de faire entrer son pays dans le concert européen.

Volodymyr Zelensky a pu compter sur des alliés géographiquement proches, à commencer par la Pologne, aux premières loges. Le président polonais Andrzej Duda a été le premier chef d’État à s’être exprimé devant le Parlement ukrainien à Kiev depuis le début de l’invasion russe, le 24 février, apportant son soutien inconditionnel à l’adhésion de l’Ukraine. La France, l’Allemagne, les pays scandinaves, l’Espagne et les Pays-Bas ont été plus difficiles à convaincre.

La crainte d’un embrasement du conflit au-delà des frontières ukrainiennes et le déplacement de plus de 7 millions d’Ukrainiens fuyant la guerre a pesé dans la balance, même si plus de la moitié sont revenus dans leur pays en guerre. L’Ukraine en guerre et l’UE se sont choisies mais du monde se bouscule dans le propylée du temple européen. La gestion de ces aspirants à l’adhésion est un immense défi pour l’Union européenne dont la géographie bouge décidément beaucoup ces dernières années.

(Image de la vignette et dans l’article sous CC BY-SA 3.0 ; illustration de la carte d’Ukraine, recouverte par le drapeau européen, réalisée en décembre 2010 par Flag of Europe.)