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Morcellement médiatique

11 AVRIL 2019 : MARK ZUCKERBERG (PDG DE FACEBOOK) EST INVITÉ À S’EXPLIQUER DEVANT LE CONGRÈS*

L’espace médiatique aux États-Unis n’est pas simplement divisé, il est profondément morcelé, cela signifie qu’il est tout à fait possible de passer une semaine sur 19 chaines de radios ; 300 sites internet et 23 chaînes de télévision sans avoir accès à un «monde commun», c’est-à-dire à une vision de la vie politique américaine plus ou moins proche de celle de votre voisin de bureau, de votre comptable ou simplement de celle du monsieur qui vit en face de chez vous de l’autre côté de la rue. Le phénomène est aggravé avec les réseaux sociaux et les algorithmes qui plébiscitent la pensée unique, disons la «pulsion unique».
Si ce qui précède pouvait relever d’un pluralisme riche et dense au regard de ce qui se passe en Belgique avec nos quelques revues, quotidiens, médias publics, privés ou partiellement privés, c’est aussi la terrible disparition aux États-Unis d’un espace commun pour parler, pour échanger, pour commenter et surtout pour recueillir des informations que l’on juge – collectivement – crédible.
Un espace où il devient désormais possible, sans craindre la justice ni devoir s’excuser, de faire circuler des mensonges et des publicités politiques délibérément malhonnêtes. Reçu au Congrès au cours de cette année, le patron de Facebook a indiqué ne pas souhaiter filtrer ce type de flux pour la campagne de 2020… Suggestion pour le Petit Robert de 2030 : «Faire son Mark Zuckerberg, expression familière ou courante qui veut dire faire de l’argent grâce au mensonge».
Dans ce contexte, le morcellement médiatique aux États-Unis va peser de façon majeure au regard de la tentative des démocrates pour initier une procédure «d’empêchement» de Donald Trump pour trahison et corruption dans le cadre du dossier dit «ukrainien».
Ce n’est pas tellement l’issue finale de la procédure longue, lente et coûteuse qui va compter, c’est la mise à nu du Président – son vrai visage – mais aussi celle de nombreux acteurs liés à la haute diplomatie américaine, des gens qui font tourner l’État au-delà des appartenances partisanes. Et dans ce genre de jeux retransmis à la télévision sur les chaînes d’information en continu, de nombreux détails croustillants, des attitudes, des vêtements et plein de petits détails peuvent ici faire chuter des gens honnêtes, et là-bas rehausser des gens bizarres mais sympathiques parce qu’humains, ou des gens aux abois, et donc persécutés, auxquels on peut s’identifier.
Au final, la procédure va faire vaciller pendant de longs mois des opinions sur des sujets qui seront assez éloignés du point de départ : la corruption. Et au dernier moment, personne n’oubliera que c’est la deuxième fois – après le Rapport Mueller – que les Démocrates tentent de déloger le président en dehors du jeu électoral…

* Chronique « américaine » publiée dans le numéro 110 de décembre 2019.