Dans quelle région vaut-il mieux rendre l’âme ? Dans aucune, est-on tenté de répondre. Certes. Toutefois, certaines personnes prévoyantes disposant d’un patrimoine qu’elles souhaitent transmettre le plus largement possible ont intérêt à regarder dans quelle Région cela pourra se faire au moindre coût…

Selon un article du Moustique : « C’est la course à l’échalote entre Régions et la Flandre offre de loin les meilleures conditions pour payer le moins de droits de succession ». Si la concurrence fiscale entre les Régions en ce qui concerne les droits de succession est une réalité, elle n’est pas aussi tranchée que le laisserait penser cet article. 

Les droits de succession sont un impôt auquel est soumis, en Belgique, toute personne qui reçoit un héritage ou un legs. Comme dans d’autres pays, le montant des droits de succession varie en fonction de la qualité de l’héritier (conjoint, enfant, ascendant, famille, ami, personne morale…) et du montant de l’héritage. Mais il varie également en fonction de la Région dans laquelle était domicilié le défunt. 

La Région flamande a été la première à réformer les droits de succession et à les abaisser, contraignant les deux autres régions à lui emboîter le pas.

En effet, en application des accords politiques dits du Lambermont (2001), la réforme de l’État a régionalisé cet impôt au 1er janvier 2002. La Belgique obéit ainsi à une règle généralement répandue dans les États fédéraux. Signalons toutefois que si la Région flamande a confié la perception de cet impôt au service de taxation flamand Vlabel (Vlaamse Belastingdienst), la Région bruxelloise et la Wallonie ont, pour le moment, laissé cette mission au Service Public Fédéral des Finances.

La Flandre en première ligne

La Région flamande a été la première à réformer les droits de succession et à les abaisser dans toute une série de situations, contraignant les deux autres régions à lui emboîter le pas, sous peine d’être confrontées à un probable exode de contribuables fortunés. Toutefois, il n’y a pas eu de réalignement complet des taux.

Le tableau suivant propose quelques exemples des droits de succession qui seront à payer (sans tenir compte d’éventuels abattements, qui peuvent également différer d’une Région à l’autre) :

Montant des droits de succession dus
Qualité de l’héritierMontant de l’actif de la successionFlandreWallonieBruxelles
Ligne directe40.000 €1.200 €1.625 €1.200 €
150.000 €10.500 €10.625 €10.000 €
500.000 €87.000 €87.750 €87.500 €
Ami40.000 €11.000 €17.125 €16.000 €
150.000 €68.000 €98.125 €66.250 €
500.000 €260.500 €378.125 €358.750 €
Fondation ou asbl8,5 %7 %Agréée : 7 %Non agréée : 25 %


Si l’imposition d’un patrimoine transmis en ligne directe (conjoints, enfants, petits-enfants, parents ou grands-parents) ne diffère que marginalement entre les trois Régions, en revanche l’héritage reçu d’une personne, avec laquelle il n’existe pas de lien de parenté, est, dans la plupart des cas, beaucoup plus lourdement taxé en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre. À cet égard, la Région du nord a adopté une vision plus moderne des relations de proximité ou d’intimité entre les individus, alors que les règles wallonnes et bruxelloises reflètent une conception plus traditionaliste des relations interpersonnelles et de la famille.

De même, en Flandre, les cohabitants de fait sont, moyennant certaines conditions, assimilés aux conjoints, alors que dans le reste du pays, ce statut est réservé aux couples mariés et en cohabitation légale. Toujours en Flandre, les droits de succession en ligne directe se calculent distinctement, pour l’immobilier d’une part, et les avoirs mobiliers d’autre part, ce qui a également un impact sur l’impôt dû.

On disait autrefois aux donataires : « vous devez encore vivre trois ans » ; à Bruxelles, ce n’est plus nécessaire…

Notons toutefois que les détenteurs de gros patrimoines recourent fréquemment à des mécanismes permettant d’éviter le paiement des droits de succession, notamment par le biais des donations antérieures au décès. Là aussi, la Région flamande a été la première à diminuer les taux d’enregistrement des donations, entrainant les deux autres Régions à suivre son exemple : les tarifs des droits de donation immobilière sont désormais identiques dans les trois Régions, et ceux des donations mobilières sont très proches.

Notons cependant que Bruxelles est la seule Région qui ne tient plus compte d’une donation immobilière intervenue dans les 3 ans précédant le décès pour la détermination du taux applicable en droits de succession. On disait autrefois aux donataires : « Vous devez encore vivre trois ans » ; à Bruxelles, ce n’est plus nécessaire…

Un effet difficile à mesurer

Ce rapprochement des taux a conduit les Régions wallonne et bruxelloise à se priver ainsi de recettes fiscales, dont il est malheureusement impossible de déterminer le montant, tout comme il est impossible d’estimer quels effets un non-alignement de ces taux aurait pu avoir sur la domiciliation des retraités… 

Les différences de législation ne peuvent être connues que des personnes qui disposent d’un capital culturel élevé.

Il est donc très difficile d’évaluer l’impact de la régionalisation des droits de succession et d’enregistrement sur les finances publiques des trois Régions, en l’absence de données statistiques permettant de constater une évolution des recettes. Il est encore plus hasardeux de supputer un éventuel effet sur les domiciliations de personnes fortunées, même si l’on ne peut exclure que certains retraités aisés optent plutôt pour une maison de retraite dans la périphérie flamande de la capitale, ou choisissent de se domicilier dans leur seconde résidence à la mer…

Cependant, si des considérations fiscales doivent entrer en ligne de compte pour déterminer un lieu de domicile, il est probable que les différences en matière d’impôts communaux, que l’on acquittera de son vivant, aient un plus grand impact sur la décision que les droits de succession.

Ce qui est en revanche apparent, c’est que les différences de législation entre les Régions, tout comme les subtilités des règles régissant les donations (par exemple, l’exonération d’impôt des dons manuels), ne peuvent être connues que des personnes qui disposent d’un capital culturel élevé, voire des conseils d’un notaire ; ces dernières vont pouvoir éluder largement l’impôt. Tandis que les personnes à faible capital culturel risquent de découvrir, au moment de la succession de leurs parents, qu’une partie de l’impôt dû aurait pu être évité, moyennant une meilleure prévoyance et une meilleure information.