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Prisons : Forest, l’inhumaine

Durant ces quatre dernières années, en tant que membre de la Commission de surveillance des prisons de Forest et de Berkendael[1.Il s’agit d’une commission totalement indépendante, composée de 12 membres, agissant tous à titre bénévole, et dont la mission est de veiller au respect des droits des détenus, conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur.], j’ai régulièrement été amenée à me rendre dans la prison de Forest pour y rencontrer des détenus mais également des agents pénitentiaires. Mon mandat vient de se terminer et l’heure est au bilan : les conditions de détention des détenus se sont-elles améliorées au cours de ces années ? Un sens est-il apporté à la détention ? Assurément, non. Alors que la prison de Forest est destinée à accueillir en principe 450 détenus, la population avoisine les 700 prisonniers. Nombre de détenus sont à trois en cellule – un simple matelas posé au sol et relevé durant la journée – et les incidents entre détenus ou entre détenus et agents sont plus fréquents, vu l’espace réduit. Par ailleurs, les lavabos des cellules sont souvent défectueux, l’eau des douches est fréquemment froide et la nourriture est insuffisante. L’accès aux soins médicaux et dentaires est également difficile pour ces détenus qui n’ont, bien souvent, pas eu la possibilité, faute de moyens, de se faire soigner. Pour nombre de droits qui leur sont garantis par la loi, les détenus dépendent du bon vouloir des agents ou de l’administration. Si les détenus qui travaillent en prison sont souvent mieux lotis que les autres, puisqu’ils occupent souvent une cellule seul, ils ne disposent cependant pas d’une toilette mais doivent encore faire leurs besoins dans un seau. Bref, le Moyen-Âge. Et puis que penser de ces personnes internées qui sont détenues dans l’aile psychiatrique de la prison de Forest faute de places disponibles dans les établissements de défense sociale ? Ils ne bénéficient pas d’un encadrement et d’un accompagnement psychologique adaptés, et ce malgré la bonne volonté des agents qui y travaillent. Ces conditions de détention inhumaines et dégradantes[2.La chambre du Conseil de Bruxelles a, par ordonnance du 30 mars 2012, estimé que les conditions de détention à Forest étaient contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et ordonné que la détention préventive du détenu se déroule au sein d’un autre établissement pénitentiaire, en l’espèce la prison de Saint-Gilles. La chambre des mises en accusation de Bruxelles a confirmé cette ordonnance le 17 avril 2012.] sont-elles « compensées » par une politique de réhabilitation visant à limiter la récidive ? Malheureusement, non. Certes, il s’agit d’une maison d’arrêt et ils n’exécuteront donc pas à Forest la peine qui pourrait leur être infligée. Il n’empêche que le manque d’activités ou de cours proposés aux détenus, l’absence d’un début de réinsertion ou de réelle réflexion avec le détenu sur sa détention fait de Forest un lieu où l’on se contente d’enfermer sans aucune perspective d’avenir, 23 heures sur 24. En un mot : des hommes méprisés et déresponsabilisés vivent là, des bombes à retardement pour qui la détention devient presque banale. Face à ce bilan plutôt sombre, une amélioration peut-elle être espérée ? Le gouvernement a annoncé la construction de nouveaux bâtiments mais cette augmentation de la capacité pénitentiaire suffira-t-elle à répondre aux défis ? Récemment, Forest a fait la une des journaux et s’est invitée dans le débat. La surpopulation pénitentiaire avait en effet atteint un niveau record (pas moins de 720 détenus). Cela a été abondamment dénoncé. Et le gouvernement s’en est ému. Il n’a cependant rien entrepris et la situation est toujours aussi dramatique, même si le taux d’occupation de la prison est dorénavant redescendu et maintenu à un maximum de 600 détenus[3.La bourgmestre de Forest a, en date du 10 juillet 2012, pris un arrêté visant à limiter l’occupation des cellules à un ou deux détenus maximum. Cette limitation devait intervenir pour le 29 août 2012 au plus tard.]. Et, en l’absence d’une réflexion de fond sur le sens que doit revêtir l’incarcération, l’avenir des laissés-pour-compte de nos prisons ne s’éclaircira malheureusement pas.