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Républicains et démocrates face au complotisme

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Novembre 2020 : l’élection de Joe Biden ne signe pas l’arrêt de la défiance envers les institutions démocratiques.

Ce texte de la “chronique américaine” de Jérôme Jamin a paru dans notre n°114 (décembre 2020).

C’est difficile d’avoir de la compassion pour Donald Trump, ce n’est pas le genre de personnage qu’on a envie de plaindre et même s’il est victime d’une injustice, le réflexe naturel est d’indiquer qu’il n’a que ce qu’il mérite !

Depuis quatre ans, le soir même de son élection, les Démocrates n’ont jamais lâché le nouveau président sur la question des interférences russes. Dès le 8 novembre 2016, lorsque les premiers résultats tombent, sans savoir d’où ils tiennent leurs sources, les Démocrates accusent Donald Trump d’avoir bénéficié de l’aide des services secrets russes pour gagner le scrutin. Selon eux, la « campagne est truquée », il a volé sa victoire, il n’est pas un candidat légitime. Aux accusations infondées « balancées » in extremis fin de journée dans les médias par les ténors démocrates, suivront d’autres dénonciations, plus sérieuses, chaque semaine, et finalement la nomination d’un procureur spécial (Robert Mueller) chargé d’enquêter sur le sujet. Il n’est pas exagéré de dire que les Démocrates n’ont jamais cessé d’associer le président aux Russes, même après le dépôt d’un rapport qui fait date, le fameux « Mueller report » dont le nom exact est « Report on the Investigation into Russian Interference in the 2016 Presidential Election ». Le rapport blanchit finalement Donald Trump, il révèle certes toutes sortes de relations douteuses entre une partie des collaborateurs du président et des agents russes, mais rien ne permet d’établir qu’il y a un plan, une commande, un complot, un contrat, et rien ne prouve que Trump fût à la manœuvre derrière ces relations dangereuses. Peu importe, les Démocrates s’emparent du rapport et vont utiliser ses milliers de faits intrigants, bien documentés, pour animer l’imaginaire « complotiste[1.À ce sujet, voir nos chroniques dans Politique : « Le désarroi des Démocrates » (n° 108) et « Le complot russe » (n° 101)..] » qu’ils ont construit le soir du 8 novembre 2016.

Quatre ans plus tard, on peut se poser la question de l’interférence russe dans les élections de 2016 mais aussi de 2020. Et avec un peu de recul, on peut imaginer que les services secrets russes ont, certes, mis en place des stratégies, mais peut-être pas celles qu’on imagine. En effet, pour Vladimir Poutine, l’objectif n’est pas de faire gagner l’un ou l’autre candidat ou de favoriser telle tendance politique en faveur des intérêts russes, non ! Le but bien plus profond et bien plus grave (vu d’Europe) est de faire perdre toute forme de confiance, toute forme de crédit aux institutions démocratiques, et parmi elles le système électoral. L’idée est de créer la confusion, d’amener les électeurs à se méfier du système, à se méfier des médias, à privilégier des univers fermés sur les réseaux sociaux où tout se vaut, ou la valeur vérité équivaut à une publicité, et où les élections sont synonymes de manipulation.

Et de ce point de vue fin 2020, c’est réussi ! Joe Biden ne sera pas très différent de Donald Trump avec les Russes, mais, depuis plus de quatre ans, après deux élections majeures toutes deux contestées, une bonne partie de la population américaine a perdu confiance. Et lorsque la démocratie est défiée, ridiculisée, ou associée à l’argent et à la tricherie, les régimes autoritaires semblent une alternative possible, plus sage, plus stable.