Retour aux articles →

Vers un nativisme trumpien, longue durée…

Novembre 2022 : les élections de mi-mandat au Congrès confirment le processus d’enracinement du trumpisme aux États-Unis.
Cet article a paru dans le n°121 de Politique (décembre 2022).

S’il n’est pas encore certain que l’ancien président Donald Trump pourra candidater à nouveau lors des élections présidentielles du 5 novembre 2024 [Depuis la rédaction de cette chronique, il a annoncé sa candidature, NLDR], il ne fait aucun doute, à l’issue des élections de mi-mandat au Congrès, que ce dernier continue à contrôler le parti républicain et que l’apparition et le renforcement de figures « trumpistes » un peu partout sur le territoire constituent toujours une tendance lourde, ancrée sur le long terme. Avec ou sans Trump, le « trumpisme » va donc pouvoir redéployer une des pierres angulaires de la campagne présidentielle de 2016 : le risque de voir la disparition prochaine de la majorité blanche aux États-Unis !

Plus exactement, et c’est moins souvent mis en évidence, la « majorité blanche absolue », cela signifie que les Blancs resteront majoritaires mais que leur groupe à lui seul ne sera pas numériquement supérieur à tous les autres réunis. C’est un sujet brûlant car comme toutes les théories qui mobilisent la peur et la disparition (d’un âge d’or, d’une nation, etc.), cette affirmation s’appuie sur une part de vérité, une part seulement, mais suffisamment vraie pour s’imposer dans le débat public. En effet, le Bureau du recensement projette depuis une dizaine d’années que les Blancs deviendront minoritaires aux États-Unis dans les années 2040.

Personne, même le plus progressiste et le plus tolérant des citoyens, n’aime particulièrement entendre que son groupe d’appartenance est en voie de disparition, on se sent touché de l’intérieur, dans notre identité, notre peau, notre histoire, notre famille, etc. Et c’est ici que deux lectures sont possibles : soit on considère que ce que nous sommes et ce à quoi on tient survivra aux changements démographiques, à la diversité et au métissage, ce qui est possible et peut expliquer une certaine indifférence. Soit, comme les partisans de la théorie dites du « grand remplacement » en Europe, on y voit non seulement une menace (décadence et dégradation), mais aussi – cœur du « nativisme » – une trahison des fondements de la nation : les États-Unis – la République – sont d’abord et avant tout un pays construit par des migrants blancs chrétiens et d’origine européenne, et ne peut survivre démocratiquement qu’avec une domination et une majorité de ce type.

L’électorat trumpiste est en partie issu du mouvement Tea Party, il a été longtemps la « base invisible » du Parti républicain, il est désormais tout puissant et fier grâce à leur champion, il est largement constitué d’hommes blancs qui se sentent menacés non seulement économiquement par le chômage et la désindustrialisation, mais aussi ethniquement par d’autres groupes jugés illégitimes (ou usurpateurs). Sous Trump, le mur qui sépare les États-Unis du Mexique, le Travel Ban, et les restrictions contre l’avortement avaient vocation à mettre fin au multiculturalisme et à la « balkanisation » du territoire tout en favorisant la natalité (si possible des Blancs).

Ces thèmes de campagne resteront d’actualité jusqu’en 2024 côté républicain avec une nouveauté : ne faudrait-il pas consacrer les milliards donnés à l’Ukraine au peuple américain, blanc, chrétien, courageux et travailleur ? Une aide qui pourrait atteindre 70 milliards de dollars de fonds publics en faveur de l’Ukraine en huit mois à peine…

(Image en vignette et dans l’article sous CC BY-SA 2.0 ; photo de Donald Trump prise par Gage Skidmore, en février 2011.)