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L’homme qui aimait les gazettes

François Martou aimait les «gazettes». Quotidiens, hebdos, revues, tout faisait farine à réflexion et à débat. Le papier était pour lui une matière noble surtout quand elle dégageait encore une imperceptible odeur d’encre ou de ce qui en fait aujourd’hui fonction. Il y avait dans sa façon d’évoquer un titre ou un article quelque chose de quasi physique. Bien sûr, Martou eut d’abord à veiller sur la presse qui était l’expression de son mouvement. Et il était de la belle bande de la Revue nouvelle des Molitor, Goffart, Quevit et autre Delepeleire. Mais bien au-delà de sa circonscription gazetière, François était attiré et attentif au rôle de l’écrit journalistique dans ses combats de pédagogue de l’égalité ou de promoteur des gauches rassemblées. Je pense bien que notre première rencontre en 1965 ou 66 tournait autour du rôle du Point dirigé par Jean Claude Garot et dont j’étais le jeune rédacteur en chef. Comment insérer la presse engagée dans le combat politique, comment concilier cet engagement et l’autonomie critique de la presse ? Tout au long des expériences de presse qui ont balisé nos vies, les mêmes questions revenaient sous différentes déclinaisons. Avec aussi le souci de construire ce qui manque le plus dans ce pays : un lieu d’échanges et de pensées pour toutes les gauches dans le respect de chacune d’elles. En 2001, c’est presque naturellement que nous avons convenu que Politique serait l’opérateur des Assises pour l’égalité dont il venait de lancer l’idée à la Semaine sociale du Moc. Et quelques années plus tôt quand Politique vivait une des ces crises de (dé)croissance propres aux revues (jusqu’à mettre leur existence en jeu), François Martou (et l’équipe dirigeante du Moc) fut l’un des rares dans la gauche organisée à nous aider matériellement à passer le cap En prenant un certain nombre d’abonnements. Parce qu’il croyait à l’utilité de notre démarche et… que nous nous aimions bien ! Encore une chose : François a toujours dit et répété que dans notre pays, pour des tas de raisons Sur lesquelles il serait bien utile de revenir , l’étiage d’une revue de gauche était très bas : «Je les ai toutes connues : jamais plus de mille abonnés». Bien vu, Camarade ! Mais là-dessus on essaiera toujours de te faire mentir…