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Antimilitarisme et objection de conscience, une autre tradition flamande

Sunguk Kim. Unsplash.
Sunguk Kim. Unsplash.

Bruxellois néerlandophone, Sam Biesemans connaît intimement l’histoire du mouvement de la paix en Flandre. Il y a joué un rôle important et de convergence avec le mouvement francophone. Un entretien qui fait suite à l’article de Jean-Paul Gailly dans le dossier sur les divisions à gauche face à la guerre en Ukraine.

Pouvez-vous nous parler de votre itinéraire de militant pour la paix ?

D’origine chrétienne protestante, j’appartiens à la génération de l’après-Deuxième Guerre mondiale. Mon cursus scolaire s’est déroulé dans l’enseignement officiel francophone (l’école catholique étant la seule école néerlandophone proche). Puis vint un moment important dans ma vie : mon inscription à la Vrije Universiteit Brussel (VUB), qui venait de se créer, en 1969. Un moment extrêmement important puisque je serai amené, plus tard, à travailler au sein du secteur social pour les étudiants, et à participer au développement du Cercle d’information et de réflexion sur le Service civil et la Coopération au développement (à l’ULB et à la VUB). Le Ciscod fournissait des informations sur les possibilités d’alternative au service militaire, soit dans le cadre de la Coopération au développement, soit dans un service civil comme objecteur de conscience. Le Ciscod organisait aussi des conférences sur des thèmes liés à l’actualité internationale. Actif également, dès cette époque, au sein du Cercle du libre-examen et du Vrij Onderzoek, j’ai été amené à jouer un rôle de plus en plus important dans les relations entre francophones et néerlandophones au sein du mouvement de la paix.

Mon choix pacifiste s’est fait dès l’âge de 16 ans, lorsque je participais aux réunions des jeunes de l’Église protestante. Comme chrétien protestant, je ne pouvais pas me résoudre à aller apprendre à tuer d’autres êtres humains. Le pasteur m’informa qu’une loi sur l’objection de conscience et le service civil avait été votée en 1964. Avec son fils, dans l’enthousiasme de nos 16 ans, nous nous sommes renseignés sur le texte de la loi au ministère de l’Intérieur, puis nous avons lu le texte paru au Moniteur belge.

Ensuite, j’ai fait connaissance avec un Boitsfortois comme moi, Jean Van Lierde, personnalité pacifiste, qui me donna volontiers de nombreuses informations à propos de l’objection de conscience et du service civil qui commençait à être organisé.

Jean Van Lierde, avec le soutien financier du baron Antoine Allard, président d’Oxfam-Belgique, et de Paul Carette, prêtre à Charleroi et héritier d’industriels du textile, créa à Ixelles la Maison de la Paix. On décida d’y créer une permanence d’informations bilingue sur le service civil. Ce fut le premier projet dans lequel je me suis investi. Un projet qui s’est très vite développé et a abouti à une plus grande professionnalisation de notre travail et la création de deux ASBL : le Service civil de la jeunesse et le Burgerdienst voor de Jeugd. C’est aussi à partir du Burgerdienst voor de Jeugd que j’ai contribué à la création de l’Internationale van Oorlogtegenstanders (IOT), la section flamande de War Resisters International (WRI).

La Maison de la Paix fut le siège de War Resisters International et de l’International Fellowship of Reconciliation (Ifor) pendant quelques années. C’est aussi le siège du mouvement francophone Agir pour la Paix et de son équivalent néerlandophone Vredesactie (qui a déménagé à Anvers), tous deux issus de la fusion des sections belges (francophone et Nnéerlandophone) de WRI et d’Ifor.          

Comment s’est développé le mouvement pour la paix néerlandophone après la Deuxième Guerre mondiale ?

L’Internationale van oorlogstegenstanders1 (IOT) est née au début des années 1970 à l’initiative de membres belges néerlandophones de WRI et de divers comités locaux pour la paix, avec la collaboration du périodique Protest (dont la collection complète est consultable aux archivesdel’Amsab à Gand)2.

A côté de l’essor de l’IOT, il y avait la Belgische unie voor de verdediging van de Vrede3(BUVV), proche du Parti communiste et membre du Conseil mondial de la Paix. Nous avions avec eux des divergences, essentiellement dues à l’interdiction de l’objection de conscience dans les pays de l’Est et à leur dépendance par rapport à la politique de l’URSS. On sait trop peu qu’à l’issue de la Révolution d’Octobre, Lénine avait, suite aux demandes pressantes des amis de Tolstoï, publié en 1919 un décret des Commissaires du peuple reconnaissant le droit à l’objection de conscience. Dès l’arrivée au plein pouvoir de Staline, en 1929, ce décret fut abrogé.

Il y avait également l’important mouvement Pax Christi Vlaanderen, structure faisant partie des institutions catholiques. Mais il faut souligner aussi le rôle du mouvement tiers-mondiste avec la création des Oxfam Wereldswinkels4. Ils occupaient des objecteurs en service civil et ils ont joué un rôle essentiel lors des mobilisations et actions pour la paix, et de l’ensemble des mouvements alternatifs ou contestataires de l’époque. Aujourd’hui la BUVV est devenue l’association Vrede5, marquée à gauche mais indépendante des partis.

 L’IOT a également changé de nom et s’est appelée Forum voor Vredesactie.Le mot « Forum » était un choix délibéré à l’époque, puisque c’était le nom de l’organisation contestataire en Tchécoslovaquie pendant la révolution non violente de 1989, initiée par des personnalités comme Vàclav Havel et Alexandre Dubcek . Elle s’appelle désormais Vredesactie6.

Plus récente, l’organisation pacifiste bilingue Intal, proche du PVDA-PTB,s’est développée ces dernières années.

Divers événements ont marqué l’histoire du mouvement de la paix et contribué à son développement en Flandre. D’abord le Plan VDB (du nom du ministre de la Défense Paul Van Den Boeynants) en 1973, qui voulait supprimer le sursis pour raisons d’études pour le service militaire et aussi imposer à toute la politique gouvernementale une définition très étendue de la notion de « défense du territoire », donnant un pouvoir de coordination des administrations au ministère de la Défense. Ensuite, en 1974-75, l’achat des avions F16 pour la Défense belge provoqua de fortes réactions avec une manifestation de près de 15 000 personnes contre cette énorme dépense militaire (30 milliards de francs belges).

Cette forte sensibilité de la société civile et une importante mobilisation de la jeunesse flamande à propos des thèmes de sécurité et de défense, mais aussi de la place de la Belgique dans l’OTAN, eurent un impact significatif sur l’évolution du mouvement de la paix en Flandre, et conduirent à la création, en 1975, d’une plate-forme de collaboration entre les différents groupements sous le nom de Overlegcentrum voor de Vrede (OCV)7, présidée par Robert De Gendt de l’ACW8.

Dans les années 1979-81, dans le cadre d’une énorme mobilisation contre le développement des missiles de croisière, une plate-forme organisationnelle fut créée sous le nom de Vlaamse aktie komitee tegen atoomwapens (Vaka9). Contrairement à toutes les prévisions, dont les nôtres, la première manifestation connut un vaste succès (75 000 personnes). On sentait le déploiement d’une véritable lame de fond. Le mouvement a reçu le soutien du Socialistische Partij, présidé par Karel van Miert, et des Verts flamands. Contrairement aux précédentes, cette action déboucha sur un résultat positif puisque grâce à la signature d’un traité international concernant le déploiement d’armes nucléaires, ces missiles ne furent pas installés.

Lors des différentes actions et manifestations pour la paix, le nombre de manifestants néerlandophones a frappé les observateurs. Comment l’expliqueriez-vous ?

Pendant très longtemps, les relations entre la population flamande et l’armée furent mauvaises. Avant même l’existence de la Belgique, en 1798, alors que notre territoire était occupé par la France, l’imposition  du service militaire obligatoire provoqua de très fortes et violentes réactions de la paysannerie flamande ; elle était hostile à la conscription qui enlevait tant de jeunes censés travailler dans les fermes. Cet antagonisme fut aussi nourri par l’aversion de la Flandre catholique pour les idées révolutionnaires françaises.

Ce thème de la conscription restera très présent durant tout le XIXe siècle, et ce en raison de son organisation par tirage au sort. Les riches pouvaient y échapper en payant un pauvre pour effectuer le service militaire à leur place. Cette « bloedwet » , la « loi du sang », fut très controversée en Belgique ; le mouvement socialiste la dénonça. Par ailleurs, il faut rappeler qu’à cette époque c’est la langue française qui dominait à l’armée et dans l’administration publique.

En 1859, la Belgique décida de construire d’énormes fortifications autour d’Anvers, entraînant de nombreuses expropriations et la destruction de plusieurs villages. Cela provoqua la création du Meetingpartij10,séparatiste, antiroyaliste et antimilitariste,qui eut pendant un temps la majorité des élus à la Ville d’Anvers et était même arrivé à rassembler jusqu’à 200 000 manifestants !

Suite à la Première Guerre mondiale, le mouvement des anciens combattants contre la guerre, le Vlaamse oudstrijdersbond (VOS)11s’est developpé. Il voulait protester contre le fait que les Flamands auraient été envoyés plus souvent en première ligne et étaient commandés par des officiers francophones. Ce mouvement comptait près de 95 000 membres en 1920. Il contribua à la construction de la Tour de l’Yser avec la mention en plusieurs langues (dont le français) « Nooit meer oorlog »12.


Le mouvement avait une double composante : le pacifisme et le nationalisme flamand. Pas mal de procès se déroulèrent dans l’entre-deux-guerres suite à des refus de service militaire en Flandre, comme celui de Bert Fermont, nationaliste flamand, décédé de la tuberculose en prison. Ce  mélange étrange et curieux entre des pacifistes et des nationalistes (certains devenant ensuite collaborateurs, y compris  des SS flamands combattants sur le front de l’Est) finit par déboucher sur une rupture totale entre les deux composantes du mouvement.

Ce que l’on sait moins c’est que le mouvement politique progressiste du prêtre et député Adolf Daens, implanté dans certaines régions flamandes, en particulier à Alost, était aussi antimilitariste. Ce rejet de l’armée pour des raisons très diverses est donc profondément enraciné en Flandre.

Vous vous êtes beaucoup investi dans l’action pour la paix et le désarmement en Europe

Oui, j’ai eu l’occasion de nouer régulièrement des contacts dans le cadre d’initiatives prises en référence aux Accords d’Helsinki de 1975, fruit de la première Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Des accords qui « consacrent l’inviolabilité des frontières européennes, rejettent tout recours à la force et toute ingérence dans les affaires intérieures ».

Ainsi, par exemple, lors d’une rencontre internationale à Varsovie en 1976, j’ai plaidé le droit à l’objection de conscience au service militaire. J’avais déposé des tracts à l’entrée de la salle de réunion contenant le texte en russe du décret de Lénine de 1919. Les délégués soviétiques étaient furieux et parlaient d’antisoviétisme primaire. Par contre, devant les Russes, les membres de la délégation hongroise m’ont fait part de leur soutien. On était même parvenu à évoquer le droit à l’objection dans les conclusions de la conférence !

J’ai eu, un an plus tard, des contacts avec des militants syndicaux de Solidarnosc, lors d’une nouvelle conférence à Varsovie. C’était extraordinaire de vivre ces moments de rencontre permis par les accords d’Helsinki et cette période de détente. Cette période est aussi marquée par des évolutions lentes et progressives en faveur des droits humains à l’Est ; avec Andreï Sakharov, notamment,  en Union soviétique, et puis les politiques de Mikhaïl Gorbatchev. Ce dernier concluait son livre sur la Perestroika en disant qu’il faut évoluer vers une société basée sur le principe de relations non violentes… ce qui n’est pas du tout dans la culture soviétique, plutôt basée sur la lutte armée et l’héroïsme.

Les pays baltes et les autres pays de la sphère d’influence soviétique vont plus tard rejoindre l’Union européenne, et je me suis dit que la Russie allait elle aussi tôt ou tard entrer dans une approche de « maison commune européenne », comme le préconisait d’ailleurs Gorbatchev. On pouvait imaginer, si pas une adhésion de l’URSS à l’Union européenne, en tout cas un système plus large permettant d’harmoniser les relations économiques et politiques au sein de l’Europe. Il y a donc eu un grand mouvement d’espoir de pas mal de gens de part et d’autre pensant que cela allait se faire.

Et puis la géopolitique a tourné autrement : alors que le Pacte de Varsovie avait été dissous, l’OTAN ne l’a pas été. Et on sait où l’on se trouve maintenant avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie…

La méfiance est revenue de part et d’autre. Certains grands États très puissants ont une tendance à vouloir dominer sur le plan international et à faire passer la raison d’État avant tout. On est donc de nouveau dans une géopolitique des grands – USA, Russie et Chine – qui veulent tirer un maximum d’avantages économiques.

Comment voyez-vous la situation actuelle, suite à l’invasion de l’Ukraine ?

On se retrouve de nouveau dans une situation de confrontation dramatique où le mouvement de la paix est divisé, y compris en Flandre. Pratiquement personne ne s’attendait à cette invasion russe et elle est très largement condamnée. Mais il y a aussi des points de vue critiques, comme par exemple l’analyse du professeur Tom Sauer, qui est par ailleurs membre du conseil d’administration de Pax Christi Vlaanderen, qui essaie de prendre du recul par rapport à la propagande de guerre. Cette association, tout comme Vrede, organise des activités, dont des conférences intéressantes à propos du conflit. Ces deux mouvements appellent les deux parties à cesser la guerre. Mais évidemment la situation est complexe puisqu’à la base du conflit la Russie a violé le droit international en envahissant une partie du territoire ukrainien.

Dans le paysage politique flamand, les partis progressistes membres du gouvernement fédéral (Groen et Vooruit) sont assez silencieux sur ce dossier et très solidaires du gouvernement. Il faut dire que celui-ci est conditionné par l’approche politique de l’OTAN… dont la Belgique est membre. En qui concerne l’accueil des objecteurs russes, nous espérons que des députés puissent poser des questions parlementaires à ce propos afin de faire progresser leur droit d’asile ou de protection temporaire dans notre pays et dans l’UE.

Cela dit, il est frappant de voir ce qui est développé comme propagande aussi bien du côté russe – du genre « les Ukrainiens sont des nazis » -, que du côté de Volodymyr Zelensky.

Je constate qu’en Ukraine on n’accepte pas la dissidence et l’expression des quelques pacifistes ukrainiens, comme par exemple notre ami Youri Sheliansko, objecteur de conscience et juriste chercheur à la faculté de droit de Kiev, qui est assigné à résidence et dont on a saisi l’ordinateur et le téléphone portable pour l’empêcher de développer son action. Il a reçu récemment le Sean MacBride Peace Prize du Bureau international de la paix pour son engagement… et quelques jours après il a été licencié de l’université. C’est un pacifiste intégral qui préconise la négociation pour aboutir à la paix, ce qui est en discordance avec le discours officiel en Ukraine et la propagande antirusse. En Ukraine, on a d’ailleurs suspendu le droit à l’objection de conscience qui existait depuis l’indépendance, en 1991.

En Russie, par contre, le droit à l’objection de conscience n’a pas été supprimé ; la loi est toujours en vigueur. C’est peu connu, mais des jeunes effectuent donc un service civil, par exemple dans les hôpitaux. Évidemment les jeunes qui sont objecteurs sont aussi souvent des militants du mouvement anti-guerre ou contre toute « opération spéciale » ; donc ces personnes sont mises au ban de la société. L’association des objecteurs de conscience russes vient d’être mise sur la liste des « agents de l’étranger », ils ne peuvent dès lors plus rien faire publiquement en Russie ; leurs activités sont organisées à partir de l’étranger par des objecteurs qui sont parvenus à fuir.

C’est aussi le cas pour l’Association des mères de soldats, qui avait été créée au moment de la guerre d’Afghanistan. Ces mères avaient des fils décédés ou handicapés suite à cette guerre, et étaient très organisées. Vu le statut symbolique de la mère en Russie, elles avaient beaucoup d’influence. Notre Bureau européen de l’Objection avait même organisé une rencontre au siège de leur association à Saint-Pétersbourg il y a une dizaine d’années dans un contexte de grande liberté d’expression. Beaucoup d’associations militant pour les droits humains ont ainsi été mises au ban de la société. de nombreux procès sont en cours dans lesquels des gens vont être condamnés à des années de prison en raison de leur opposition à la guerre.

Près de 300 000 jeunes russes ont fui hors de leur pays pour échapper à la conscription, surtout en direction de la Géorgie et quelques autres pays limitrophes, mais les frontières avec l’Union européenne sont fermées. Du côté ukrainien ils sont environ 3 000, principalement en fuite vers la Moldavie. Des jeunes ont aussi fui de Biélorussie vers les pays baltes, mais où ils sont mal accueillis vu le nationalisme antirusse ambiant.

Ce qui est préoccupant, c’est que pour le moment, le droit d’asile pour ces objecteurs n’est pas reconnu au sein de l’Union européenne, y compris pour les jeunes russes qui étaient en train d’étudier dans un État-membre de l’UE au moment de l’invasion. Il n’y a, à cet égard, pas de directives générales ministérielles, y compris en Belgique. Toutes les demandes sont traitées individuellement par les fonctionnaires, contrairement au cas des réfugiés ukrainiens où il y a un accord européen. Le Bureau européen de l’Objection y travaille avec d’autres associations internationales.

Le Parlement européen a voté une résolution demandant la protection ou le droit d’asile pour les opposants à la guerre venant de Russie ou de Biélorussie. Nous avons lancé une pétition en ce sens qui a déjà recueilli près de 50 000 signatures et qui a été remise au président du Conseil européen et à la Commission européenne. Nous avons juste reçu deux accusés de réception. Par contre, en France, depuis juillet 2023, il existe des directives en faveur de l’asile des Russes pouvant prouver leur opposition à la guerre.

En ce qui concerne l’Ukraine, Volodymyr Zelensky a demandé que les pays européens renvoient en Ukraine les jeunes devant faire leur service militaire. La Pologne vient de commencer à le faire, par contre la Hongrie a décidé de ne pas donner suite.

Un problème important est celui des minorités russophones dans les anciens pays dépendant de l’Union soviétique, comme les pays baltes ou l’Ukraine. En Lettonie, par exemple, il y a 30%  de russophones ; il leur est interdit d’utiliser leur langue dans l’administration publique et il n’y a pas d’enseignement en langue russe (sauf comme cours de langue étrangère). Les russophones sont considérés comme des envahisseurs venus coloniser leur pays à l’époque de l’URSS. Il y a un refus de permettre une vie culturelle russe. Ils sont tenus à s’assimiler pour devenir complètement lettons, sans quoi ce sera la porte de sortie.

Ma perception est qu’au niveau des diplomates, on ne voit pas bien pour l’instant comment arrêter le conflit et vers quoi il faut aller. D’autant plus qu’une adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’UE n’est pas si simple à organiser, ou alors dans le cadre d’une UE à plusieurs vitesses. Par ailleurs, je pense que les craintes russes à l’égard de l’OTAN, dominé par les USA, sont réelles. En cas de cessez-le-feu, est-ce que les territoires conquis restent russes ? Difficile à imaginer. Quid de la Crimée ? Où les belligérants pourront-il se parler et travailler ensemble ? Pas à l’ONU, me semble-t-il. Plutôt à la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe basée à Vienne, qu’on pourrait revaloriser comme forum pour favoriser la négociation d’un accord de paix ? Comment évoluera la politique étrangère des États-Unis pour aider à sortir de ce conflit ?

Propos recueillis par Jean-Paul Gailly, membre du Collectif éditorial de Politique.