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Un retour du communisme ? (Introduction)

@Emily Crawford
@Emily Crawford
On pourrait dire que tout a commencé dans une librairie, avec un étonnement face au nombre de titres de livres comportant le terme. Figures du communisme (Frédéric Lordon), Ce gros mot de communisme (Manuel Cervera-Marzal), Terre et capital : pour un communisme du vivant (Paul Guillibert), Un désir de communisme (Bernard Friot & Judith Bernard), Communisme et stratégie (Isabelle Garo), et même Communisme queer : pour une subversion de l’hétérosexualité, pour n’en citer que quelques-uns.

Serait-il redevenu possible de se revendiquer du communisme sans craindre d’être associé aux purges staliniennes, à la révolution culturelle chinoise ou à la Corée du Nord ? Assurément, après Staline et Mao, après le Goulag et les camps de rééducation, il est délicat d’exprimer de la sympathie pour le communisme. Néanmoins, nous avons fait le pari qu’il serait possible de mener une réflexion plus fine sur ce thème, de distinguer nettement l’idée et l’utopie, des mouvements et partis qui s’en sont revendiqué, ainsi que des crimes commis en son nom. Disons-le d’emblée : aucune des contributions à ce dossier ne cherche à réhabiliter des partis et régimes qui ne le méritent pas. Chacune, selon l’angle choisi, cherche à préciser ce dont elle parle et à clarifier à la fois ce qu’il peut y avoir d’attrayant et de dangereux dans cette utopie.

Nous avons justement voulu nous lancer à sa poursuite : cet idéal vit-il encore aujourd’hui – en particulier chez les plus jeunes générations, nées après la chute du Mur de Berlin ? Et qu’entendent par-là celles et ceux qui s’en revendiquent ? Une société sans État ? Sans classes ? Sans genres ni « races » ? Peut-on penser un communisme « intersectionnel » ? Un communisme démocratique ? Un communisme écologique ? Un communisme antiautoritaire ? Et si l’on trouve encore quelque chose d’attrayant dans cet idéal, quelles leçons peut-on, doit-on, tirer des multiples manières dont l’utopie a déraillé au XXe siècle ?

C’est cet étonnement et les questions qu’il a suscitées, qui nous ont menés à imaginer ce dossier, à tendre la plume ou le micro à une série de personnes pour les laisser exprimer ce qu’évoque pour elles le communisme. Répétons-le, il ne s’agissait pas d’établir un énième bilan du communisme au XXe siècle, ni de se replonger dans les querelles intestines des gauches radicales et des différentes Internationales. Non plus d’évoquer les derniers grands ensembles idéologiques se réclamant du communisme historique, comme le Parti communiste chinois. Enfin, notre démarche se voulant ouverte, nous avons choisi d’assumer une relative polysémie des mots communisme et socialisme.

Nous voulions jeter un regard neuf, ouvert, interrogateur sur l’actualité et l’avenir de cette utopie. Car l’idée d’une société pacifiée satisfaisant les besoins de tous ses membres et dans laquelle l’épanouissement de chacun passerait par celui de tous mérite mieux qu’un mauvais procès. Il nous a semblé qu’elle méritait un vrai débat quant à son caractère désirable, réalisable et viable.