Retour aux articles →

Avec les artistes

Originalité du mouvement Tout autre chose : il rassemble toute une série d’acteurs culturels importants. Les deux premiers porte-parole du mouvement sont d’ailleurs, respectivement, comédien et réalisatrice.

Naturellement, le mouvement s’est positionné pour défendre la culture, mais pas uniquement dans l’optique de protéger le secteur. L’action aux Magritte 2015 du Cinéma, par exemple, avait pour but de dénoncer la gestion du statut d’artiste en Belgique, ainsi que le sous-financement généralisé de la culture. Mais il était aussi question de défendre la culture comme vecteur d’émancipation individuelle et collective, d’éducation critique, de transformation sociale, comme pilier démocratique en opposition aux replis nationalistes et à la culture fast food consumériste réduisant nos intellects à l’état végétatif. Une des idées couramment diffusées par les initiateurs du mouvement est que nous ne sommes pas uniquement dans un « combat d’idées » contre l’austérité. Nous sommes également dans un combat culturel. Pour gagner cette bataille, nous devons pouvoir déconstruire et décoloniser nos imaginaires sur toute une série de certitudes. Les mêmes qui rendent possible qu’une majorité de citoyens acceptent l’austérité comme seule et unique issue à la crise économique. Nous devons pouvoir imaginer d’autres manières de mobiliser, de former, de créer du désordre, d’organiser… La culture est le levier créatif par lequel nous arriverons à défier le récit des puissants, recréer une esthétique de l’engagement[1.Expression empruntée à un certain Ken Loach.], pour construire un nouvel imaginaire collectif, positif, réjouissant, qui donne envie d’être porté par une nouvelle majorité ! Un des chantiers prioritaires que s’était donné Tout autre chose était de se réapproprier « les mots du pouvoir ». Le projet n’a pas encore pris assez corps. La communication autour des enjeux de la Grande Parade du 29 mars 2015 ou les journées de réflexion de « work-art citoyen »[2.Journées de réflexion qui devront amener d’autres projets créatifs pour 2016.] sont de bons exemples de voies à suivre pour créer des liens avec le monde culturel, même si le mouvement peine à garder des liens étroits avec son réseau d’artistes et n’a pas encore assez profité des diverses créations engagées produites en Belgique.

Amusant et galvanisant

Certains ont reproché au mouvement de ne pas avoir continué à mobiliser pour la culture en Communauté française. Mais le mouvement ne peut y aller seul, et il ne doit certainement pas remplacer les associations d’artistes comme interlocuteur privilégié du ministre. Tout autre chose avait aussi l’intention de profiter des lieux culturels locaux, pour en faire de véritables carrefours pour les locales. Tout un chacun pourrait s’y retrouver pour parler, échanger et imaginer ses mobilisations, ses alternatives. Le monde culturel était vu dans ce cadre comme un moyen de resocialiser les militants avec ceux qui le sont moins, mais aussi et surtout de valoriser ce qui se fait déjà. Néanmoins, certains centres culturels ont du mal à accompagner le mouvement au-delà de quelques rendez-vous ponctuels. Le cadenassage politique de certains conseils d’administration ou les préoccupations liés au nouveau décret qui les régit pourraient en fournir l’explication. Le mouvement n’a pas encore un an et sort à peine d’un processus de structuration. Puisqu’il apparaît de plus en plus clairement que nos gouvernements ne changeront pas une ligne de leurs ambitions austéritaires, le plus gros défi pour Tout autre chose sera justement de continuer à montrer qu’il peut en être Tout autrement ! Et nous aurons besoin du monde culturel, plus que jamais, si on veut que le chemin de la lutte soit aussi amusant que galvanisant !