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La fausse victoire de l’arc-en-ciel

Dès le lendemain du scrutin communal, une lecture des résultats semblait s’imposer : les partis de la majorité l’avaient emporté et, donc, l’arc-en ciel s’en trouvait conforté. Ce « donc » n’a rien d’une évidence. Car si ce dernier scrutin a confirmé les rapports de force entre familles politiques issus des élections de juin 1999, ces résultats-là ne devaient rien à l’arc-en-ciel… qui, bien évidemment, n’existait pas encore à ce moment. Ce qui est donc confirmé, ce sont les grandes tendances à l’œuvre dans l’électorat, dont les manifestations les plus marquantes sont l’avancée d’Écolo et le déclin des sociaux-chrétiens. Mais ces tendances renvoient à des mouvements de fond dans la société, à la crise du système des « piliers » et à la déconfessionnalisation, à l’émergence de nouvelles questions de société et au basculement des générations. Sans doute, la participation d’Écolo au pouvoir lui a fait gagner en terme de crédibilité politique. Et la mise à l’écart du PSC l’a privé de nombre de ses atouts au regard de sa clientèle traditionnelle, ce qui n’a fait qu’accélérer son déclin. Mais peut-on déduire de la bonne tenue des formations qui le composent que l’arc-ce-ciel, comme coalition associant verts, rouges et bleus, s’est encore un peu plus « installé » ? En Wallonie, pas d’arc-en-ciel à Mons, La Louvière et Charleroi, où le PS conquiert des majorités absolues. Ni à Liège, à Verviers, à Mouscron, à Arlon, où nous aurons du rouge-romain. Ni à Namur, à Thuin, à Tournai, à Nivelles et dans toutes les provinces, où ce sera PS-PRL sans la moindre touche verte. Et là où les verts emportent leur premier mayorat, c’est à Ottignies-Louvain-le-Neuve où Jean-Luc Roland dirigera un « Olivier » marqué à gauche, en rupture avec le seul authentique arc-en-ciel communal wallon. À Bruxelles, les écologistes forcent les portes d’une bonne moitié des collèges. Mais il n’y aura finalement d’arc-en-ciel que dans deux communes majeures : à Schaerbeek et, d’une manière rocambolesque, à Uccle. Mais pas à la Ville de Bruxelles, où le premier arc-en-ciel du Royaume est désavoué. Pas à Anderlecht où le PS reste in extremis sur la touche. Pas à Ixelles, où toute cohabitation entre une liste écolo aux allures de gauche plurielle et celle du bourgmestre libéral, le vicomte De Jonghe d’Ardoye, a toujours été inimaginable. Pas à Forest ni à Molenbeek où le PS se tourne vers Écolo au détriment du PRL. On peut, bien sûr, renvoyer cet inventaire à la diversité des situations locales. Difficile pourtant de s’en contenter quand on voit l’implication personnelle de tous les grands formats ainsi que les vélléités des états-majors de partis de contrôler la situation. Manifestement, du côté francophone, la percée des écologistes a ouvert un jeu qui semblait, à la veille de juin 1999, cadenassé par la convergence à tous les niveaux des socialistes et des libéraux. Mais si Écolo s’est retrouvé en invité de dernière minute dans la plupart des attelages gouvernementaux par la vertu d’une performance électorale inattendue, l’effet de surprise a eu le temps de s’amortir. Et, notamment, les socialistes ont eu le temps de prendre acte qu’ils n’avaient plus le monopole de la gauche et que cela leur ouvrait de nouvelles perspectives, ne fut-ce que sur le plan strictement arithmétique. Bref, à la veille de délicats arbitrages budgétaires, la coalition arc-en-ciel ne sort pas renforcée du scrutin communal. Au contraire : malgré les proclamations réciproques de loyauté de ses diverses composantes, elle apparaît aujourd’hui plus qu’hier comme un attelage de circonstance profondément divisé sur les grandes orientations politiques. Faute d’une véritable opposition (en tout cas du côté francophone), c’est bien au cœur de la coalition que s’inscrit désormais la polarisation gauche-droite. La grande leçon de ces élections communales, c’est sans doute que l’arc-en-ciel n’est sûrement pas le dernier mot de la recomposition du paysage politique.