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L’autre Italie

L’Italie a voté cette semaine dans une certaine discrétion médiatique dont les causes ne vous échappent sans doute pas. Les résultats de ces élections régionales méritent cependant qu’on s’y arrête. Pas seulement parce qu’ils confirment les défaites successives de Silvio Berlusconi aux différents scrutins locaux ou européens depuis 2001 mais aussi parce qu’ils marquent des changements politiques et sociologiques dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. Cette fois, il s’agit d’une défaite cinglante et d’un désaveu personnel pour Berlusconi qui perd non seulement le contrôle de la plus grande partie des régions en jeu mais dont la coalition est désormais également minoritaire en voix. Le résultat est spectaculaire pour la gauche de Romano Prodi enfin unifiée après de pénibles négociations. Cela dit, le rejet de la politique berlusconienne a sans doute été plus déterminant que l’adhésion à la gauche. Les dégradations des conditions de vie et les faiblesses de l’économie italienne ont coûté cher à celui qui a bâti toute sa politique sur les promesses d’un Eldorado. Mais il y a d’autres leçons à tirer de ce scrutin. D’abord, celle toute simple et rassurante que le pouvoir de l’argent combiné à la toute puissance médiatique a ses limites. Ensuite c’est l’ampleur et la configuration de la victoire de la gauche qui étonne. Au Nord, le Piémont industriel qui avait confié son sort entre les mains de Berlusconi prend ses distances. Dans le Latium, la région de la capitale, ses alliés populistes d’Alleanze nazionale sont battus. Et le plus étonnant vient du Sud traditionnellement conservateur. La Calabre mais aussi et surtout les Pouilles basculent à gauche. Dans cette région fondamentalement catholique et historiquement à droite, c’est un candidat de la gauche radicale, homosexuel affirmé et choisi par la base contre les appareils politiques de la gauche modérée qui l’emporte. La victoire est encore plus symbolique dans l’atmosphère régnante. Il reste maintenant à la gauche à transformer cet essai lors des élections législatives de mai 2006. Vu les errances et les divisions du passé, ce ne sera peut-être pas le plus simple.