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Manque de paillettes…

Dans un numéro antérieur (« Vous avez dit confédéralisme ? », Politique #83), nous avions anticipé trois types de formation du gouvernement dans une perspective allant de unitariste (le gouvernement « central » donne le ton ; les entités fédérées suivent) à confédéraliste (les Régions impulsent le mouvement, le fédéral suit), en passant par fédéraliste (les gouvernements des niveaux fédéral et fédéré se forment indépendamment l’un de l’autre).

Ces trois logiques ne laissaient nullement présager l’avenir du pays, ce n’est d’ailleurs pas la tâche d’une politologue. Forcément, la perspective d’un gouvernement fédéral avec la N-VA, ouvertement séparatiste, interpelle, mais les quatre dernières années ont montré que son simple spectre planant sur des négociations institutionnelles suffit à alarmer.
Si l’on ne s’intéresse ni aux chiffres, ni aux pronostics, ni aux petites phrases, que peut-on retenir de ces élections ?
Dans un premier temps, on peut pointer l’ironie d’avoir réclamé une resynchronisation électorale, alors que la logique fédérale semble l’emporter, même si celle-ci est sans doute plus une tentative de sauver les meubles là où ils peuvent l’être qu’une réelle consécration d’un fédéralisme mâture. Dans la même veine, on relève la position de l’Open-VLD qui a conditionné sa participation à un gouvernement fédéral à une place dans la coalition flamande. On ne sait trop s’il s’agit d’un atavisme visant la symétrie ou, à nouveau, d’un réflexe de survie au pouvoir. Agit-il comme à l’époque préfédérale belge où les exécutifs fédérés étaient issus des scrutins nationaux (fédéraux) ou sème-t-il les germes du confédéralisme ?

Par ailleurs, si l’on s’intéresse un tant soit peu à la communication politique, on ne peut que noter le semblant de sérénité qui règne deux mois après les élections. Prenons pour preuve le fait que les négociateurs se sont accordé quelques jours de congé alors qu’on ne savait rien de l’avancement de leurs travaux. On peut supposer que le climat aurait été quelque peu différent si les gouvernements fédérés n’étaient pas encore formés. Après tout, que sont trois mois d’affaires courantes face au record mondial de 541 jours, alors même que le fameux centre de gravité s’est déplacé du fédéral vers les fédérés ?
Sans doute ce calme est-il lui aussi mis en scène, mais force est de constater que, face à d’autres évènements politico-médiatiques récents encadrés par un storytelling impeccable, la communication autour de la suédoise manque de rythme, d’accroches (souvenons-nous de la construction de l’image de Philippe les mois précédents l’abdication d’Albert), de paillettes (les exploits sportifs ou les récompenses culturelles mises en avant sous l’étiquette « Belgian Talent ») et de pandas. Cette sobriété médiatique, qui tranche avec l’omniprésence flamboyante d’Elio Di Rupo à laquelle nous nous étions habitués (résignés ?), est-elle un présage de l’austérité économique promise ? Faut-il y voir la marque de fabrique du CD&V, tandis que le poste de Premier ministre semble dévolu à Kris Peeters ? Ou sans doute faut-il comprendre de sa position de retrait relatif et de sa communication ciselée que Bart De Wever, leader incontesté du seul véritable parti gagnant des élections, est à deux doigts de réussir son pari de faire monter la N-VA au gouvernement fédéral tout en continuant à se consacrer à sa ville d’Anvers et à son parti.