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Une idée qui a de l’avenir (Conclusion)

@Emily Crawford
@Emily Crawford
En lançant notre appel à contributions sur l’actualité et l’avenir du communisme, nous souhaitions vérifier l’impression selon laquelle le communisme est de retour dans le débat politique. Sur le plan éditorial, cela paraît assez clair. Un certain nombre d’essayistes n’ont aucune crainte à s’en revendiquer. Cela semble indiquer qu’il est possible, aujourd’hui, de tenir un discours dissociant fermement l’utopie de ses incarnations catastrophiques du XXe siècle à nos jours, dans des régimes aussi autoritaires et criminels que la Chine ou la Corée du Nord.

Dans les discours des partis, en revanche, la frilosité persiste. En Belgique, aucun parti jouissant de visibilité médiatique ne revendique une identité communiste dans les médias. Ainsi, le PTB qui caracole dans les sondages, préfère-t-il avancer le terme de « socialisme 2.0 » que de mettre en avant l’article premier de ses statuts, le présentant comme « un parti communiste de notre temps ». Nous avons néanmoins été surpris de constater que cette tiédeur n’affectait pas les jeunesses militantes, prêtes à s’emparer de manière critique de l’héritage.

En raison des connotations inévitables du mot, toute personne qui aborde le communisme marche sur des oeufs. Nous avons malgré tout tenté le pari, gageant qu’il serait intéressant d’interroger les résonances contemporaines de l’idée communiste. On en sort avec le sentiment que, non seulement le communisme possède une actualité – éditoriale, intellectuelle, militante à tout le moins – mais aussi un avenir politique possible. En particulier, c’est la prise de conscience croissante du désastre écologique et de la responsabilité écrasante du capitalisme de marché comme cause de cette situation qui nous invite, plus que jamais, à imaginer une toute autre manière d’organiser l’économie et la société.

Le dossier met toutefois en lumière un grand nombre de défis à relever. Il y a d’abord l’articulation de la lutte pour une transformation du travail et la répartition des richesses, avec les combats du féminisme et de l’antiracisme. À cet égard, le contraste est grand entre les appels de philosophes à créer une « chaîne d’équivalences », à fédérer ces luttes sous un même drapeau, et les fréquents échecs des partis qui s’y attellent.

Il y a bien sûr aussi la question de la démocratie. S’il ne semble pas y avoir d’incompatibilité théorique, le communisme doit encore prouver sa compatibilité en pratique avec la démocratie et le droit à l’opposition. Sans garanties à ce sujet, nous avons toutes les raisons de nous méfier de ce qui demeure encore aujourd’hui une utopie.

Enfin, il y a le défi de la conception d’une alternative crédible. On ne peut plus se satisfaire du refus de Marx d’écrire des recettes pour les marmites de l’avenir. Si l’on renverse le capitalisme sans savoir par quoi il sera remplacé et si cette alternative est viable, rien ne garantit que le monde s’en portera mieux.

Le communisme a donc une actualité, et peut-être un avenir. Mais à condition de relever ces défis – à condition de parvenir à penser les conditions dans lesquelles la grande révolution écologique du XXIe siècle parviendra à contourner les écueils des révolutions dévoyées des siècles précédents.