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Bolkestein : le jeu reste ouvert

Pour tous les adversaires de la «directive Bolkestein», le vote du 22 novembre au Parlement européen, en commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, constitue un mauvais signal en vue du vote en séance plénière, prévu au début de 2006.

Les députés européens de cette commission ont majoritairement soutenu deux points centraux de la directive: l’inclusion des services d’intérêt économique général dans le champ d’application (ce qui met en danger l’organisation des services publics par les pouvoirs publics), et l’application du principe du pays d’origine à la libre circulation des services (qui mènerait au dumping social en poussant les prestataires de services à s’établir dans les pays dont les normes sont les plus basses). Ils ont également rejeté les propositions déposées en vue de lancer un processus d’harmonisation vers le haut des dispositions applicables à cette libre circulation. Ce vote comporte cependant des aspects positifs : le droit du travail (y compris les conventions collectives) ne sera pas affecté par cette directive, de même que les dispositions relatives aux soins de santé et au détachement des travailleurs.

À l’heure actuelle, le point le plus inquiétant est l’éclatement du groupe socialiste. Lors du vote global, seuls trois socialistes sur 12 ont rejeté le texte ! Cinq autres se sont abstenus, et les autres (notamment les deux travaillistes britanniques) ont voté pour.

Cela dit, le vote global en commission (25 oui, 10 non et 5 abstentions) ne reflète pas le rapport de forces auquel il faut s’attendre en séance plénière. L’issue du vote en plénière dépendra en réalité essentiellement de trois facteurs

  • la cohésion du groupe socialiste derrière les alternatives de la rapportrice. La défection de certains élus travaillistes ou de socialistes issus des nouveaux États membres devra ainsi être aussi faible que possible. Il est fondamental, pour les opposants à la directive, de démontrer que leurs craintes n’ont rien à voir avec le rejet du fameux «plombier polonais». On peut en effet être favorables à la libre circulation des prestataires de services tout en voulant qu’elle soit organisée en fonction des lois du pays de destination, au moins tant qu’une harmonisation suffisante n’a pas été atteinte.
  • le ralliement de quelques dizaines de voix du centre ou du centre droit. On attend ainsi de voir le positionnement de la droite française ainsi que, notamment, l’attitude des élus sociaux-chrétiens et libéraux belges…
  • l’adhésion de tous les opposants de gauche à une stratégie d’amendements radicaux, et non simplement à une alternative rejet/adoption de la directive. Il faut noter à ce sujet que les deux élus Gauche Unie ont voté contre l’alternative proposée au principe du pays d’origine. Si cette politique du pire était maintenue, on perdait évidemment toute chance de rejeter ce principe néfaste.

Il est donc urgent, pour les forces politiques et sociales engagées contre cette directive, de dépasser une attitude simpliste : le rejet ou rien d’autre. Les amendements déposés pour le rejet pur et simple de la directive sont les bienvenus, mais ils devraient recueillir les voix de tout au plus une centaine de députés européens. D’où l’Appel européen (www.greens-efa.org) lancé conjointement par les Verts, socialistes et Gauche Unie, pour défendre une position d’amendement radical. À chacun de prendre ses responsabilités…