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Du bon usage de la discrimination

«Miroir, mon beau miroir, de tous les êtres de la Terre, dis-moi lequel est le plus discriminé ? Le manager menacé de voir s’envoler son parachute doré ? Le gros actionnaire de la banque en déroute ? L’humain de sexe mâle craignant la fonte de ses avantages et privilèges comme facilités linguistiques au soleil de Linkebeek ? Ô mon beau miroir, dis-le moi, oui, dis-le moi, que de tous les peuples de la Gaule, je ne suis ni le plus brave, ni le plus malin, mais le plus discriminé ! — Je suis comme toi : je ne supporte plus ce terme de «discrimination». Désormais, des riches se prétendent discriminés par les pauvres, des patrons par les employés, des hommes par les femmes… Je propose de créer la palme d’or de la discrimination la plus grotesque, tiens. — Moi, je vote les yeux fermés pour Pieter Timmermans, le patron de la FEB, pour qui la remise en cause des parachutes dorés ne pourrait se faire qu’en parallèle d’une révision du préavis des employés, sinon ce serait une «discrimination» La Libre Belgique, 27 octobre 2008 ! Rendez-vous compte : avec vingt ans d’ancienneté, un employé a droit à une indemnité de 12 mois de salaire, soit quelque 30 000 euros pour un salaire moyen… — … et on le sait, entre 15 et 25% de moins pour les femmes… — … alors que, ces parachutes dorés limités, disons même à 12 mois, représenteraient, pour les patrons du Bel20, entre 1,3 million (Bekaert) et 3,1 millions d’euros (Agfa Gevaert) Selon les calculs d’Ecolo. (Voir http://web4.ecolo.be/spip.php?article1009).., sans compter tous les avantages annexes ! Il fallait oser… — Pas mal, en effet… mais je ne lui donnerais qu’un accessit. La palme d’or, avec les félicitations du jury, moi je la décernerais à Dolor, l’association d’actionnaires qui dénonce le fait que l’État ne songe à compenser les pertes occasionnées par la chute de Fortis que pour les petits actionnaires. Parce que Dolor ne se contente pas d’employer le terme de «discrimination» envers les gros actionnaires, il y rajoute le panache, suggérant de porter l’affaire devant le Centre pour l’égalité des chances La Libre Belgique, 13 octobre 2008 ! Là, on frôle le sublime… — Moi, j’offrirais la palme à un événement plus modeste, mais plus pernicieux sans doute, parce qu’il provoque moins d’indignation. Je fais allusion à ce colloque, «Paroles d’hommes» Congrès «Paroles d’hommes», les 17 et 18 octobre derniers à Bruxelles , soutenu par les pouvoirs publics, où on a pu entendre que désormais, les discriminations misogynes étaient remplacées par les «discriminations misandres». — C’est vrai que les hommes sont dramatiquement sous-représentés dans les bas salaires et les titres-services… — … Et donc, qu’il fallait rétablir la balance par des mesures en faveur des hommes. — Un congé parental plus long et obligatoire ? Davantage d’hommes dans le secteur de la petite enfance ? Mais avec plaisir, messieurs : ce sont même des revendications féministes ! — On dirait qu’être victime est devenu une marque d’honneur, une distinction, une médaille que tout le monde veut s’accrocher au revers… En oubliant qu’une discrimination, ce n’est pas simplement une différence, mais la conséquence d’un rapport entre dominants et dominés.