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Du passé et de l’avenir de Politique

Faire dialoguer l’ancien rédacteur en chef de Politique, Henri Goldman, avec l’actuelle rédactrice en chef, Vaïa Demertzis, quelle que soit leur bienveillance réciproque, c’était courir le risque de faire éclore, un peu artificiellement, une « querelle des anciens et des modernes » quant au passé et à l’avenir de la revue. En lisant les lignes qui suivent, vous verrez que ce risque n’a pas été totalement éludé, mais que les rôles, dans cette « querelle » très fraternelle, ne sont pas distribués de la manière que l’on aurait pu attendre.

Cet article a paru dans le n°119 de Politique (mai 2022).

Comment voyez-vous l’avenir de Politique dans le débat démocratique ?

VAÏA DEMERTZIS : Je vois une revue qui fait la jonction entre le terrain et la politique, entre le politique et la politique. C’est un élément fondamental dans les « balises » de Politique depuis le départ, ce n’est pas réellement neuf, mais j’aimerais qu’on mette davantage l’accent sur le terrain, sur le mouvement social, sur l’associatif. L’idée, c’est de mélanger, dans chaque dossier, de la matière qui vient du terrain, voire des témoignages, avec des points de vue plus experts, académiques ou scientifiques, et avec des acteurs et des actrices politiques (parlementaires, militants de partis). Il s’agit de mixer leurs différentes visions d’un même thème. Ce qui me semble manquer à l’heure actuelle, c’est un espace de rencontre entre les différentes parties de la gauche, un lieu pour susciter le dialogue entre elles.

Il faut aussi, selon moi, intervenir sur la question démocratique, recréer le lien entre le citoyen (qui est inséré dans différentes identités sociales et collectives) et les acteurs et actrices politiques, mais aussi interroger ces identités collectives, dévoiler quels sont les récits à l’œuvre, issus des différentes tendances à gauche. Ces identités ont été fort malmenées par les grands questionnements sur la démocratie représentative et doivent être réexaminées de façon décomplexée. Il ne s’agit pas seulement de recherche, d’analyse, mais aussi d’aller questionner la réalité citoyenne. C’est ce qu’on a voulu faire dans les deux derniers numéros, sur le travail culturel (n°117) et sur le « seum » des jeunes (n°118), avec cette volonté permanente de situer d’où la personne parle et avec quelles légitimité et expérience elle intervient.

HENRI GOLDMAN : Pour moi, c’est une ambition folle. Le champ que Vaïa embrasse est infini, plus vaste qu’il ne l’a jamais été. Si l’on replonge dans le passé, les fondateurs de la revue sont d’une génération qui est entrée en politique autour de Mai 68. Ça ne nous rajeunit pas ! On discutait alors d’un champ de questions relativement limité. Quand on parlait de « la gauche », on discutait de « révolution ou réformisme », « comment se situer par rapport à l’Union soviétique ». Et on se situait clairement sur un curseur « droite-gauche ». Aujourd’hui, on ne retrouve rien de cela. Les questions dites « politiques » que nous nous posons n’ont plus de limites. Il n’est même presque plus possible qu’une seule tête ou qu’un seul lieu arrive à embrasser, de façon légitime, la totalité de ces questions. C’est une de nos grandes difficultés de vouloir rester, dans un champ à ce point éclaté, une revue généraliste capable, avec pertinence et autorité, d’aborder autant de sujets différents. Le féminisme est venu un peu après. L’irruption de la question écologique remet totalement en cause l’illusion productiviste dont tout le mouvement ouvrier reste, encore aujourd’hui et malgré ce qu’il prétend, imprégné. Et puis, la question de la diversité culturelle, du racisme, elle aussi, recoupe tout le reste. Comment faire pour arriver à parler de tout cela de façon pertinente ? C’est la première grande difficulté.

La seconde grande difficulté, c’est la question des outils. Quand on a créé cette revue, faire une revue, ça voulait dire quelque chose. Des gens comme Hugues Le Paige, Mateo Alaluf, José-Manuel Nobre-Correia et moi, comme d’autres de ce groupe-là, nous sommes des militants de plume. Notre façon naturelle d’être utiles, c’est de travailler à l’écrit. Comme nous étions trop peu disciplinés pour être les bons petits soldats d’un parti quelconque, nous étions plutôt des passeurs, et on voyait bien entre qui et qui. Maintenant, on ne voit plus très bien. Il ne s’agit pas simplement de faire discuter Ecolo avec le PS, en ajoutant éventuellement le PTB – ce qui n’est pas le plus facile. Désormais, il s’agit de faire débattre des champs d’intervention qui s’ignorent complètement et qui ne s’articulent pas facilement. Des débats, maintenant, il y en a partout ! On peut discuter de leur qualité, mais il n’y a plus que ça. Je ne dis pas que les gens s’écoutent, je ne dis pas qu’ils se parlent, mais ils parlent. Comment, dans ce nouveau cadre, faire quelque chose d’utile ? Quelle est la place particulière que nous pouvons occuper ? C’est une difficulté dans laquelle sont plongés tous ceux qui considèrent que « écrire sert à penser et penser sert à écrire ».

VAÏA DEMERTZIS : Comment répondre à cette question, faire face à ces débats sans rencontre ? En créant, précisément, un cadre de confiance pour cette rencontre. Pour moi, une revue comme Politique, c’est un espace qui a une histoire, dans laquelle on a pu déjà voir apparaître certaines positions, des débats de fond qui ont été rendus publics. L’équipe actuelle fait le maximum pour garantir ce cadre qui permette à chacun de s’exprimer et pour aider à mettre en évidence les points de tension. En tant que rédactrice en chef, dans le contexte de la gauche francophone en 2022, je ne me fixe pas l’objectif de créer une convergence des gauches. J’entends plutôt offrir un espace de dialogue entre différentes positions à gauche en identifiant les points d’accords et de tensions, un espace où chacun·e peut se sentir en capacité de déployer toute sa pensée sans être constamment interrompu·e (comme cela peut être le cas dans un média à périodicité plus fréquente comme un quotidien), où chacun·e peut avoir le temps de confronter ses idées avec celles d’un·e autre. Et s’autoriser à en sortir transformé. Un espace où il y a de la place pour développer sa pensée et ses arguments, préciser ses sources et références politiques, répliquer à un camarade par écrit et continuer la discussion après la publication en nos pages.

Politique, c’est aussi une relecture attentive, qui fait place au questionnement interne que soulève un texte et à la meilleure manière de le mettre en lumière, au service des idées qu’il transmet. Il s’agit de rendre le plus fidèlement possible la pensée de l’auteur, et de la rendre le plus accessible et le plus lisible possible pour les lecteurs. D’autre part, une revue sur papier, c’est typiquement un objet qui a encore sa place dans les débats et dans le rapport à la politique et à la démocratie. Mais on ne va pas se limiter à la revue sur papier. Une vraie synergie doit être créée avec le site web, ce que l’équipe actuelle s’emploie à réaliser avec, systématiquement, quelques articles de la revue qui se retrouvent également en ligne, ou des

analyses qui sont réalisées exclusivement pour le site web (www.revuepolitique.be). Certes, il y a du débat partout, mais ce n’est pas le débat au sens démocratique du terme. Beaucoup de gens parlent, mais il y a peu de croisements d’idées, pas d’échanges, pas de rencontres. Ce que j’aimerais pouvoir offrir avec Politique, c’est un endroit où l’on puisse confronter deux positions sans jargon ni langue de bois mais avec clarté et pertinence.

Cette idée de confrontation en toute confiance est-elle suffisante pour justifier l’existence d’une revue qui s’appelle Politique ? Cela suffit-il à identifier clairement la raison d’être de la revue ?

HENRI GOLDMAN : J’en doute. La crainte que j’ai, c’est qu’on ne se perde en voulant trop embrasser. Sur n’importe quel sujet qui fait l’objet de controverses dans la société, nous pouvons offrir un espace où, effectivement, tout le monde est respecté. Mais à mon avis, il faudrait resserrer notre propos en identifiant quelques enjeux, plus importants que d’autres, plus structurants que d’autres et tout centrer sur ces enjeux. Là, Politique pourrait être utile. Je vais en citer trois ou quatre, c’est déjà énorme. Prenons d’abord le débat le plus politique. On a en Belgique une gauche, disons, de gouvernement. C’était très clair quand la revue s’est lancée, puisque tout était basé sur l’idée des « convergences » entre le PS et Ecolo. Il y avait des expériences (pas des modèles, des expériences) qui nous intéressaient, la « gauche plurielle » de Lionel Jospin en France[1.Alliance entre les communistes, les socialistes, les Verts, les radicaux de gauche et le Mouvement de citoyens. Elle remporta les élections législatives après la dissolution de l’Assemblée décidée par Jacques Chirac en 1997.] et « l’Olivier » en Italie[2.Coalition de centre-gauche fondée en 1995 par Romano Prodi avec le PDS (ancêtre du PD et successeur du PCI), les démocrates-chrétiens, les écologistes, les radicaux et les républicains. Au pouvoir de 1996 à 2001, dissoute en 2007.], et on pouvait en tirer des leçons. L’irruption du PTB a changé complétement la donne chez nous. Avons-nous réussi à faire discuter le PTB avec la gauche de gouvernement ? Absolument pas. Avons-nous essayé ? Je n’en suis même pas certain. Voilà un débat, mais ce n’est pas le seul. Le débat sur l’articulation entre le productivisme et la préoccupation environnementale est passionnant et il traverse toute la gauche. La question européenne, la question institutionnelle… Je me limiterai à celles-là.

VAÏA DEMERTZIS : C’est un questionnement récurrent dans la revue. Maintenant, s’il fallait choisir quelques thématiques-phares, si cela devait être l’option choisie par Politique, je ne serais certainement pas la seule à choisir ces thématiques, mais j’estimerais intéressant de retravailler une question qu’on aborde par plusieurs biais, mais jamais frontalement : la re-démocratisation de la démocratie. Quand on a fait le bilan des débats menés dans et par Politique durant ces 25 années, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas vraiment un focus précis sur la démocratie. Cela pourrait être un thème structurant pour la revue qui permettrait de croiser les très nombreuses conceptions de la démocratie, tout en nourrissant la qualité du débat démocratique.

À propos de ce débat – qui pour être ancien n’en est pas pour autant obsolète –, y a-t-il dans la revue des lignes de conduite qui valorisent l’intersectionnalité[3.Cette notion décrit d’abord la situation de personnes qui subissent simultanément plusieurs sortes de discrimination (femme, ouvrière, noire par exemple). Actuellement, le concept d’intersectionnalité désigne l’approche holistique de toutes les formes de discrimination ou de domination (sociale, sexuelle, ethnique, de genre, de religion, etc.) comme ne pouvant être abordées séparément les unes des autres.], pour utiliser un mot souvent qualifié de « woke » ?

VAÏA DEMERTZIS : Cette intersectionnalité, non pas une juxtaposition des identités mais leur entrecroisement, elle est cruciale pour bien comprendre ce qui se joue en matière d’égalité. L’égalité reste – on connaît tous la référence, à gauche – notre étoile polaire, ce qui guide notre position politique, et aussi notre engagement. Mais cette égalité a parfois des œillères, elle ne regarde pas autour d’elle. Si on détourne le regard, il nous est difficile d’appréhender la réalité et de comprendre comment favoriser plus d’égalité. Il y a aussi la question de la légitimité à parler d’autre chose que de sa propre expérience. Pour parler de ce que je connais, être une femme, ce n’est pas du tout vivre la même réalité, dans la position de la rédaction en chef comme dans toutes les positions sociales, que d’être un homme. C’est surtout essentiel pour pouvoir s’adresser aux gens à qui on parle ou face à des auteurs ou autrices potentiel∙les qui subissent des doubles, triples voire quadruples inégalités, discriminations, dominations, oppressions. L’expérience relative, non seulement en termes de témoignage ou de vécu, mais aussi d’analyse sociologique, peut être très différente.

Et cette question rejoint pour moi, celle de notre public. Chercher à élargir le public des auteurs et autrices comme celui des lecteurs, c’est une nécessité. Non pas une nécessité financière, ou une nécessité de lectorat, mais une nécessité idéologique. Je ne peux pas imaginer qu’on puisse continuer à se regarder et à se féliciter les uns les autres, en se disant « on n’est parfois pas d’accord, mais on reste entre nous », dans le cadre d’une revue, autour d’organisations syndicales bien assises, avec un associatif très structuré, dont les positions sont très identifiables, mais qui n’ouvre pas la porte à d’autres éléments. Si on était resté dans cette dynamique, on n’aurait pas parlé des manifestations « climat », on ne serait pas allé interviewer les jeunes, ou rencontrer les fédérations d’artistes. L’idée n’est pas d’élargir le champ pour la beauté du geste. Il s’agit de conserver les liens avec ceux avec qui on a envie de continuer à travailler, tout l’associatif avec lequel le réseau a été construit, et en plus, d’aller chercher ponctuellement, lorsque c’est possible, des appuis et des regards différents, des choses que nous ne voyons plus toujours parce que nous sommes dans un cadre très structuré. Sortir de ce cadre intellectuel et politique, c’est nous obliger en permanence à réfléchir et à redéfinir notre position sur des sujets comme « comment fait-on société ensemble ? », « comment bâtir la démocratie ? ». Je ne peux pas imaginer diriger une revue qui s’intéresse à la question de la démocratie sans envisager les différentes manières d’intégrer progressivement une population qui réfléchit à ces enjeux. On n’y arrivera pas du jour au lendemain, mais c’est une question qui traverse les derniers dossiers et ceux en préparation.

HENRI GOLDMAN : Je suis dubitatif. L’associatif organisé est une chance. C’est sans doute grâce à lui qu’on n’a pas d’extrême droite en Wallonie et à Bruxelles. Il joue bien son rôle de relais entre le citoyen et le pouvoir. Mais en même temps, c’est un matelas très épais qui amortit les révoltes et les dissensions. Il sera difficile d’en sortir. J’en reviens à la question des outils. Faire une revue, ça implique trois actes absolument professionnels. Le premier, celui qui n’est pas rémunéré, c’est écrire. Mais écrire, c’est une souffrance. Pour certains, c’est vraiment très dur. Et ce n’est pas parce que quelqu’un propose un véritable apport au changement social qu’il a forcément la plume facile. Le deuxième et le troisième actes professionnels, c’est mettre en page et imprimer. Et c’est là qu’intervient la deuxième révolution après Gutenberg. On doit intégrer la question des outils à la réflexion sur « rénover la démocratie », « organiser la circulation de la parole », « permettre aux acteurs sociaux de peser ». Je reste très attaché à l’écrit, mais pour le moment je crois que la revue écrite ne peut plus être notre « vaisseau amiral ». Pour moi, le vaisseau amiral doit se trouver au cœur de la nouvelle communication intelligente qui existe avec les nouveaux outils. Je trouve l’expérience du Bondy Blog[4. Média en ligne créé en 2005, pendant les émeutes dans les banlieues françaises, par des journalistes du magazine suisse L’Hebdo à Bondy (Seine-Saint-Denis) pour permettre aux acteurs sociaux concernés de s’exprimer. En 2006, le blog a été remis à une équipe locale, qui est soutenue par des dons et qui couvre l’actualité « sous l’angle de la banlieue ».] passionnante de ce point de vue. Ils écrivent aussi, mais à la base c’était un lieu dans une commune populaire de la région parisienne et où on enregistrait des débats. En termes logistiques, c’est infiniment plus facile. Il y aussi du professionnel là-dedans, mais il y en a moins, il est beaucoup moins coûteux et l’impact est plus large que celui de toutes les revues qu’on pourra faire. Là, il y a un lien entre une réflexion sur les outils et ce qui vient d’être dit. Si on veut sortir du milieu des habituels universitaires et professionnels de l’associatif, ce n’est pas pour faire entrer les autres dans le mode d’expression de ces groupes-là. Selon moi, l’écrit, c’est poussiéreux. C’est difficile de se répondre, par l’écrit. Les débats en face à face, ils doivent souvent être décodés, mais s’il y a une préparation, et si on a des gens qui ont envie de débattre, qui sont prêts à s’écouter, ils sont essentiels… Je suis très attaché au papier et à l’écrit, mais on doit réévaluer sa place dans un écosystème plus général et la forme précise qu’il prend. Et là, on est tous un peu coincés. Est-ce qu’on peut encore écrire aujourd’hui comme on écrivait il y a 20 ans ? La longueur, le style… il ne s’agit pas seulement de discuter de l’écriture inclusive et de la nouvelle orthographe. Ce n’est pas inutile, mais ce n’est pas suffisant.

En conclusion, quelle est la réaction de Vaïa Demertzis à cette suggestion d’Henri Goldman de donner une priorité au moins égale à d’autres productions que la revue sur papier ?

VAÏA DEMERTZIS : En tant que rédactrice en chef de la revue, je suis aussi garante de la production au regard des normes de l’éducation permanente, puisque c’est désormais notre source principale de financement externe. L’idée d’Henri, c’est de partir d’un débat public et de l’extrapoler par d’autres moyens. Je considère plutôt la revue comme un héritage sur lequel s’appuyer pour se déployer. L’histoire de Politique, ses archives, tout ce qui a été construit durant ces 25 années, tout cela nous incite à ne pas considérer que la revue est un projet annexe et que la priorité devrait être donnée à autre chose. Pour moi, la revue (comme projet éditorial offrant un espace de débat écrit) doit rester le point de départ. Après, on extrapole : on peut le faire sous la forme de débats en public, de podcasts, d’éditos oraux, de capsules vidéo assorties de débats préenregistrés en vidéoconférence, par exemple.

Bien qu’il soit parfois plus facile de redémarrer d’une page blanche, je souhaite m’appuyer sur l’héritage de la revue. Tout ce qui a été écrit, produit, toutes les relations qui ont été nouées, tout cela a un sens et une richesse. Ma priorité, c’est de réinjecter du collectif dans cette revue. C’est justement une des forces – qui ne se voit pas nécessairement de l’extérieur – de la revue. En Belgique francophone, rares sont les revues qui fonctionnent sur la base d’un collectif éditorial, c’est-à-dire au-delà d’un comité de rédaction, avec cette volonté de rassembler tous les deux mois les forces vives qui viennent, bien sûr, discuter de l’actualité, mais aussi apporter des sujets, des idées de confrontations et nourrir Politique et son lectorat.

HENRI GOLDMAN : À mes yeux, aucune œuvre humaine n’est là pour l’éternité. Il faut que des choses meurent pour que d’autres puissent naître. Cela vaut aussi dans le domaine des associations et dans celui des revues. Si le logiciel qui a créé cette revue ne se transforme pas, pour moi cette revue n’a plus d’intérêt. On continue à faire une revue écrite née à l’époque où le mode d’expression incontestablement dominant dans les échanges d’idées était l’écrit. Ce n’est plus le cas. Pas seulement en ce qui concerne Politique. En second lieu, cette revue est née dans un certain type de configuration de la gauche (personne ne se posait la question du pluriel à cette époque). Tout cela a complètement explosé. L’héritage, j’y suis attaché, je suis fier de ce que nous avons fait. Mais nous devons conserver une pertinence et une utilité. À l’âge d’or de la revue, on identifiait bien des partenaires à qui nous étions utiles. Où sont aujourd’hui ces partenaires à qui on manquerait si on disparaissait ? Peut-être y en a-t-il, mais moi je ne les connais plus. Donc, on doit prendre quelques risques. Peut-être pas tout de suite, ni demain. Mais on doit avoir une hypothèse de travail sur les quelques années à venir et voir comment gérer les transitions, en procédant par essais et erreurs.

Propos recueillis par Jean-Jacques Jespers le 21 mars 2022.