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Excellence

EXCELLENCE : C’est ce vers quoi doivent tendre nos universités. Qui peut être contre l’EXCELLENCE et prôner la médiocrité ? L’EXCELLENCE ne serait-elle pas cependant le masque d’une vision élitiste de l’enseignement supérieur, l’instrument de la concentration des moyens sur des disciplines rentables et sur les étudiants considérés comme les meilleurs au détriment de la majorité ? Le « nouveau management universitaire », passé maître dans l’art de tordre les mots, n’aurait-il pas confisqué l’autonomie intellectuelle et les libertés des universitaires sous couvert d’EXCELLENCE pour imposer l’autonomie des établissements et la marchandisation des connaissances ? L’EXCELLENCE se manifeste par l’évaluation des universités, leur classement dans les « rankings » et leur position par rapport aux autres en termes de « benchmarking ». Chaque filière universitaire, pour correspondre aux critères et améliorer son classement, doit normer ses produits d’enseignement et de recherche en fonction des signaux du marché. Il n’y a plus de place à l’improvisation dans la concurrence que se livrent désormais les universités sur des marchés transnationaux. Chaque établissement doit élaborer des stratégies performantes pour attirer les meilleurs étudiants.

L’excellence suppose que les établissements les mieux classés soient les plus attractifs pour les meilleurs étudiants et les meilleurs enseignants. La prophétie autoréalisatrice des classements peut alors s’accomplir : les mieux classés deviendront du fait de leur classement les meilleurs.

A l’aune de l’EXCELLENCE, le diplôme se mesure à sa valeur marchande. Il n’est plus un bien public mais correspond à un investissement éducatif individuel. Il doit répondre à la somme d’argent investie par chaque étudiant pour l’obtenir. L’EXCELLENCE suppose que les établissements les mieux classés soient les plus attractifs pour les meilleurs étudiants et les meilleurs enseignants. La prophétie autoréalisatrice des classements peut alors s’accomplir : les mieux classés deviendront du fait de leur classement les meilleurs. Les universités anglo-saxonnes, « au top des classements », sont aussi les plus riches. Elles offrent les meilleures conditions d’accueil aux étudiants : logements luxueux, environnement agréable, matériel pédagogique et scientifique exceptionnel. Les coûts supportés par l’étudiant seront à la mesure du service offert. Est-il surprenant dans ces conditions que seuls les plus riches puissent se payer de tels diplômes, laissant aux autres des diplômes dévalorisés ? Seif al-Islam Kadhafi, fils du guide bien connu de la révolution libyenne, a acquis ainsi en 2008 un doctorat (PhD) à la London School of Economics. Il faut noter que sa fondation avait promis 1,5 million de livres à cette prestigieuse institution, parmi les mieux classées. Il avait aussi fait appel à un cabinet de consultants pour l’aider dans la rédaction de sa thèse qui comporte d’ailleurs des plagiats d’autres travaux. En Allemagne, où l’on ne plaisante pourtant pas avec le droit, le ministre de la Défense de Mme Merkel, le baron Karl-Theodor zu Guttenberg a obtenu son doctorat en droit à l’excellente université de Bayreuth avec le meilleur grade possible : summa cum laude. Si l’on est sûr à présent que sa thèse était le résultat d’un plagiat, le doute subsiste sur le fait de savoir s’il est lui-même l’auteur du plagiat ou s’il s’agit de l’œuvre d’un « sous-traitant » embauché par lui à cette occasion. Un trafic de diplômes à grande échelle destiné à des étudiants chinois a été mis en lumière en 2009 à l’université de Toulon et des soupçons ont pesé sur d’autres établissements français. « La chasse planétaire aux meilleurs étudiants » ne peut s’embarrasser de scrupules. L’EXCELLENCE qui s’affiche au fronton des universités les plus prestigieuses, celles que les autres s’efforcent d’imiter, cache de moins en moins sa vacuité et son projet inégalitaire. Si on essayait plutôt de donner plus à ceux qui ont moins, ne servirait-on pas mieux l’EXCELLENCE ?