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La radio du futur

Les auditeurs à l’écoute de La Première (RTBF) le vendredi 10 septembre ont peut-être eu la chance d’assister au lancement de la radio du futur. Ce soir-là, entre 18 et 19 heures, tranche réservée à l’information, ils ont eu la surprise d’entendre, en plein milieu d’une phrase, débouler une tranche de pub imprévue. Imaginez la scène : un billet tout ce qu’il y a de plus sérieux sur la situation au Darfour (il n’y a effectivement pas de quoi rigoler…) brutalement interrompu par un jingle «sauvage» suivi d’un «Dis, papa…» sans aucun rapport. Car il ne s’agissait pas de marquer l’intérêt des petits pour la situation au Darfour, mais d’une publicité… pour le Journal des enfants : saboter l’information pour promouvoir un outil d’information, voilà qui ne manque pas de sel… Suivaient une série d’autres pubs, toutes aussi adaptées au contexte… Même les mauvaises choses ayant une fin, la pub s’arrête, suivie de plates excuses, l’émission reprend… mais le Darfour est passé à la trappe. Sujet suivant. Moins d’un quart d’heure plus tard, rebelote : en pleine discussion entre journalistes sur l’actualité politique de la semaine, la voie enfantine coupe à nouveau la parole à un intervenant. Nouvelles excuses du journaliste pour ce qu’il appelle «ce parasitage publicitaire». Parasitage, le terme est exact. Car non seulement cette série de pubs semble être partie toute seule, mais le plus extraordinaire, c’est que personne ne semblait en mesure de l’arrêter. À moins que… ? On repense immanquablement aux récentes déclarations de Patrick Le Lay, PDG de TF1, qui définissait ainsi le métier de sa chaîne : «Aider Coca-Cola à vendre son produit». Et d’expliquer : «Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible». Quand les protestations ont fusé (bien tard et bien timidement…) il a tenté de corriger le tir en précisant le fond de sa pensée : «Nous vendons à nos clients une audience de masse, un nombre d’individus susceptibles de regarder un spot de publicité». On appréciera la nuance… C’est vrai que les pubs qui arrivent en début ou en fin d’émission, ou en tout cas dans un espace bien délimité au préalable, permettent de couper le poste, de profiter d’une pause-pipi, enfin de soustraire son cerveau (ou ce qui en reste) au bombardement annoncé. Lancée sans sommation, en plein milieu d’une phrase, la pub devient imparable. «Parasiteur publicitaire», un nouveau métier dans le paysage audiovisuel? Pas si nouveau que ça d’ailleurs car, pour ne parler que de l’Europe, la RAI de Berlusconi est coutumière du lancement des pubs au milieu des émissions sans que rien ne permette de se protéger… Mais qui donc a dit qu’une radio de service public était incapable de vivre avec son temps?