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Modèle suédois

MODELE SUEDOIS : Sur deux questions clés, le bien-fondé des politiques d’austérité et la nécessité d’augmenter les taux d’emploi des groupes âgés, les économistes « standard » mobilisent l’exemple suédois. Si leur argumentation repose sur une face de la réalité suédoise, elle occulte cependant la seconde face de cette même réalité. 1. L’austérité comme solution. Au début des années 90, la Suède, frappée durement par la crise, a surmonté par la suite le chômage et rétabli l’équilibre de ses finances publiques par des mesures d’austérité. Cette politique de « désinflation compétitive », s’était cependant accompagnée d’une dévaluation de la couronne (la Suède ne faisant pas partie de la zone Euro) et bénéficiait d’un environnement économique caractérisé par la croissance de ses principaux partenaires commerciaux. En conséquence la désinflation pouvait entraîner une augmentation de ses exportations et relancer l’activité économique tout en rétablissant l’équilibre de ses finances publiques. L’argument devient bien sûr caduc lorsque tous les pays pratiquent simultanément la « désinflation » et ne disposent plus d’une politique monétaire propre. 2. Faire travailler les vieux pour augmenter l’emploi des jeunes. L’argument brandi par nombre d’économistes est désormais bien connu. Augmenter le taux d’emploi des groupes âgés ne se fait pas au détriment des jeunes. Il constitue au contraire, assènent-ils, la condition pour augmenter l’emploi des jeunes. Démonstration par la Suède : ce pays ne présente-t-il pas les taux d’emploi les plus élevés pour les groupes jeunes comme pour les âgés ? La conclusion est donc sans appel : plus le taux d’emploi des vieux est grand, plus celui des jeunes sera élevé. Cette relation de causalité peut cependant être inversée. La réalité est tout autre : c’est parce que l’emploi a augmenté que celui des groupes jeunes comme celui des âgés ont pu connaître une évolution semblable. Encore a-t-il fallu recourir à des mesures spécifiques pour les groupes âgés, mesures jamais évoquées par nos économistes. Ainsi, en Suède la formation professionnelle continue ne diminue pas comme chez nous, mais croit avec l’âge et la loi sur la sécurité d’emploi a instauré la règle « premier entré, dernier sorti » qui rend plus difficile le licenciement des salariés les plus anciens. Enfin, Paul Krugman, Nobel d’économie, nous invite plutôt à comparer les performances de « deux plats pays ». « Les Pays-Bas, écrit-il, ont un gouvernement d’union nationale totalement converti à l’austérité budgétaire ». Pourtant, les résultats de la Belgique « fameux pour son système dysfonctionnel » sont meilleurs. « Il est difficile, selon Krugman, d’échapper à l’impression que la Belgique a été mieux servie par la paralysie politique que les Pays-Bas par la détermination à faire exactement ce qu’il ne faut pas faire ». Autrement dit, conclut Dominique Berns dans Le Soir, « la longue crise politique n’aurait pas eu que des mauvais côtés »[1.Le Soir, 16 juin 2013 et .http://krugman.blogs.nytimes.com/.]. Dans un entretien récent au Soir (30/11 et 1/12/2013) Paul Krugman dénonçait encore les politiques d’austérité qui font baisser les salaires et réduisent la demande. Sa conclusion est la suivante : « L’idée selon laquelle la rédemption passe par la mortification ne vaut pas en économie ».