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Présentation : Alors, on débat ? Raviver politique et démocratie

Bundo Kim. Unsplash
Bundo Kim. Unsplash
Comment fêter les noces d’argent avec notre lectorat ? Nous avons décidé de consacrer ce numéro spécial à ce qui fait  l’ADN de la revue depuis sa création : le débat. Plus précisément, en (nous) posant cette question : quelles sont les conditions du débat démocratique ? Ce questionnement a évidemment déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment sous la plume d’Albert Camus qui écrivait en 1949 : « Il n’y a pas de vie sans dialogue. Et sur la plus grande partie du monde, le dialogue est remplacé aujourd’hui par la polémique. Le XXe siècle est le siècle de la polémique et de l’insulte (…) Des milliers de voix jour et nuit, poursuivant chacune de son côté un tumultueux monologue, déversent sur les peuples un torrent de paroles mystificatrices, attaques, défenses, exaltations ». Et il ne connaissait pas encore les réseaux sociaux…

Un constat : il devient de plus en plus difficile d’insérer du débat dans la revue et, plus généralement, d’intégrer du débat dans la société. Alors, comment « faire débat » en 2022 ? Un débat démocratique est-il encore possible à l’heure du triomphe de l’immédiateté et du clash dont nous abreuvent les réseaux sociaux (mais ils ne sont pas les seuls) ? Quels moyens, quel cadre, quelles médiations mettre en œuvre pour y parvenir ? Et comment pourrionsnous en assurer l’existence dans nos pages ?

Autant de questions que nous avons posées à des personnes de terrain comme à des académiques. Nous avons également sollicité notre collectif éditorial, un groupe de militant·es qui entourent le travail de la revue Politique, car publier une telle revue ne peut s’envisager que collectivement. S’intéresser au débat démocratique, c’est aussi forcément jeter un œil – critique – sur notre propre revue. Une discussion que nous avons par ailleurs voulu mener avec d’autres revues et magazines indépendants en Belgique francophone (voir le panel des rédactions en chef en section II).

Paradoxalement, c’est parce qu’on donne à cette époque la vitesse d’une course folle et que le conflit ne parvient plus à se médiatiser collectivement, que le débat nous apparaît toujours aussi essentiel. Face aux grands défis qui l’ont morcelée, nous pensons que la gauche a en effet besoin d’espaces intermédiaires, de médiation, de discussion, d’opposition où elle pourra se nourrir des positions diverses et adverses. Si nous croyons au débat, c’est parce que nous croyons à la richesse des positions parfois et souvent contradictoires qui peuvent s’exprimer autour de nous ; c’est parce que la créativité politique est par essence une activité collective.

Ce numéro spécial se divise en 4 sections.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un débat démocratique ? Quels ingrédients sont nécessaires à son existence ? On y convoque notamment les valeurs de liberté et d’égalité à travers le prisme des différentes facettes de la démocratie. Le débat prend-il la forme d’un dialogue respectueux des un·es et autres ou est-il un lieu de conflit (parfois violent) ? Quels sont les termes du débat démocratique belge ?

Ensuite, opérateurs centraux de notre société hyperconnectée, les médias sont un champ essentiel à analyser. Leur fonctionnement permet-il le débat ? Et si oui, quel genre de débat ? Quelles évolutions avec les réseaux sociaux ? Cette partie se conclut par le regard de 7 titres (!) de la presse non mainstream : Alter Échos, axelle, De Wereld Morgen, Imagine, La Revue nouvelle, « Sampol » et Wilfried.

Nous avons aussi voulu nous intéresser aux intervenant·es du débat : qui s’exprime dans les lieux de débat de l’espace public et pour dire quoi ? Sur quelle légitimité s’appuient ces expertises ? On notera qu’il s’agit souvent des mêmes types de profil, même si des avancées sont heureusement à signaler.

Enfin, comment débattre ? On ne trouvera pas de recette miracle dans cette dernière partie mais tout de même quelques propositions pour permettre des échanges constructifs. Le débat n’a-t-il de sens que quand il peut modifier les positions des un·es et des autres… au contact des autres ?

Ce numéro spécial a été coordonné par Vaïa Demertzis, Jérémie Detober, Thibault Scohier et Camille Wernaers, soit les permanent·es de la rédaction de Politique.